BARCELONE - Barcelone a perdu l’une de ses figures le 6 février : Antoni Tàpies, qui y est né 88 ans plus tôt, en 1923. L’histoire, personnelle mais surtout de l’Espagne puis de l’Europe, marque l’itinéraire de ce fils de bonne famille cultivé.
Après deux années de sanatorium, il étudie le droit, qu’il abandonne très vite pour, en 1945, ne plus se consacrer qu’à la peinture : porté par ses lectures philosophiques, par l’héritage romantique et la découverte des modernes, il ressent la nécessité de se faire artiste devant la guerre civile espagnole et la défaite de la République, puis la Seconde Guerre mondiale. Il en conçoit un art profondément concerné politiquement et existentiellement. Familier des grandes figures de la modernité, de Paul Klee, de Max Ernst, de Miró, il dépasse un premier symbolisme marqué un temps par le surréalisme pour affirmer, dans le courant des années 1950, ce rapport singulier au langage de la peinture, où figure, signe, matière et abstraction se nourrissent mutuellement. L’usage d’objets abandonnés, de matériaux tirés de la vie ordinaire et d’assemblages rejoint l’attention au corps de la peinture, d’une densité de terre. Ainsi le travail croisera matiérisme pauvre proche de l’informel français et écriture expressionniste.
Une fondation à son nom
Au lendemain de sa première exposition personnelle en 1950 à Barcelone, Tàpies a vite trouvé sa place, à Paris tout d’abord, où il rencontre artistes et écrivains, puis à New York, à l’occasion de sa première exposition dans la métropole américaine en 1953. C’est sans doute la reconnaissance internationale qui lui permet de rester actif dans l’Espagne de Franco, même s’il est en 1966 arrêté et condamné à une forte amende. Depuis sa participation à la Biennale de Venise en 1958, il compte en effet parmi les artistes les plus reconnus des deux côtés de l’Atlantique. À Paris, ce sont successivement les galeries Stadler, Berggruen, et, à partir de 1967, Maeght et aujourd’hui Lelong qui le représentent, alors que le Musée d’art moderne de la Ville de Paris lui consacre une exposition en 1973 et le Jeu de paume en 1994.
Outre des tableaux, Tàpies produit des assemblages, des installations, beaucoup d’éditions, de pièces pour l’espace public (le Monument en hommage à Picasso, à Barcelone, en 1983), pendant qu’il ne cesse d’écrire sur l’art (ainsi L’Art et ses lieux, publié en français en 2003 aux éditions Galerie Lelong). Il laisse aussi, passage obligé du visiteur à Barcelone, une fondation à son nom, créée en 1984, dédiée à la connaissance et à la diffusion de la modernité et de la contemporanéité artistiques (1). Au-delà de la personnalité de l’artiste, sa très large réception en fait une œuvre clé de la seconde moitié du XXe, parfois injustement ramenée à des traits formels trop faciles à retenir (la croix, la couleur de terre), réduction qui ne saurait ternir sa liberté et sa vigueur.
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Tàpies s’est éteint
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°363 du 17 février 2012, avec le titre suivant : Tàpies s’est éteint