Diminuer la quantité de matière affecte-t-il fatalement la conception d’un objet ? C’est la question pour le moins passionnante que s’est posée le designer britannique Sebastian Bergne au moment d’entamer un nouveau projet pour la firme française Tefal.
Objectif : créer une nouvelle gamme d’ustensiles de cuisine destinée à un marché de masse à prix réduit. Impératif du cahier des charges : utiliser une résine issue du plastique recyclé et, surtout, optimiser ledit principe en usant aussi peu que possible de ladite résine. « Durant le processus de conception, un designer doit faire face à de nombreux choix, y compris celui d’utiliser plus ou moins de matière. Dans le monde dans lequel nous habitons aujourd’hui, il est à nouveau important de réfléchir à la réduction de notre consommation de matière et d’énergie. Cette fois encore pour des raisons différentes : moins pour des raisons d’idéologie que par besoin de respecter les ressources naturelles limitées de notre planète », expliquait, l’an passé, Sebastian Bergne, dans un projet intitulé « More or Less » ciblant cette thématique et présenté dans l’exposition « In Progress. Le design face au progrès » au Musée du Grand-Hornu Images (Belgique). Et le designer d’ajouter : « Ce besoin est malheureusement souvent perçu comme une contrainte, une obligation ou, du moins, une entrave à notre réflexion. » Sauf pour Bergne manifestement, lequel s’en est sorti haut la main avec une recette toute personnelle : « « Utiliser moins” ne doit dominer ni le processus de conception, ni son aboutissement. » Traduction : aucun compromis, ni sur l’ergonomie, ni sur la fonctionnalité.
Baptisée « Enjoy », cette gamme (1), élégante, est donc constituée à 95 % de résine PET (polyéthylène téréphtalate, le plastique dont on fait les bouteilles) recyclée, réalisant une réduction de 50 % de l’empreinte carbone comparée à la résine vierge. Comme prévu, les ustensiles, moulés par injection, usent du moins de matière possible. Il ne faut ainsi l’équivalent que d’environ deux bouteilles d’eau en PET (format un litre et demi) pour produire un ustensile. Résultat : chaque pièce affiche un poids plume de 39,6 g (spatule à crêpe), 53,6 g (spatule à angle), 56,9 g (spatule longue), 55,6 g (cuillère) et 70,5 g (louche). En outre, s’il y a quelque temps encore, les produits réalisés en matière recyclée ne pouvaient être fabriqués qu’en noir – histoire de dissimuler les défauts d’unité du matériau dus au recyclage –, les ustensiles Enjoy sont, eux, disponibles en deux couleurs : cassonade et merise.
Gamme primée fin 2010
Sebastian Bergne n’en est pas à son coup d’essai avec le groupe Seb, lequel chapeaute, entre autres, les marques Tefal et Moulinex. Né à Téhéran (Iran) en 1966, après avoir suivi les cours du Royal College of Art et ouvert sa propre agence, à Londres, en 1990, il débute en 2003 sa collaboration avec la firme d’électroménager française et remporte, dès 2005, une Étoile de l’Observeur du design, décernée par l’Agence pour la promotion de la création industrielle (APCI), pour l’aspirateur-balai Pronto de Moulinex (lire le JdA no 207, 21 janvier 2005). Après avoir décroché un Red Dot Award 2010 – plus haute récompense allemande en matière de design produit –, la gamme Enjoy, elle, a remporté, fin 2010, à Londres, lors du salon des fabricants de plastique européens Identiplast, le 1er Prix du meilleur produit recyclé au concours EPRO (Association européenne des organismes de recyclage et de valorisation des plastiques). Comme quoi, par les temps qui courent, moins c’est… mieux.
(1) Selon les PVGC (prix de vente généralement constatés, ni minimum, ni obligatoires), le fouet et la pince à aliments sont à 3,80 euros environ la pièce, la cuillère, la louche, la spatule à crêpe, la spatule à angle et la spatule longue à 2,35 euros environ.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Sebastian Bergne - Moins c’est plus