L’architecte, pionnier de la réhabilitation et pourfendeur du modernisme, a imposé au plus haut niveau de l’État le sujet de l’urbanisme des périphéries.
Invité à s’exprimer au Collège de France en octobre 2010, Roland Castro y décochait quelques belles flèches contre le modernisme. Architecte politique, il a consacré sa carrière à réparer les maux qu’il imputait à l’héritage de la Charte d’Athènes, de Le Corbusier et de ses suiveurs : des banlieues mono-fonctionnelles, déconnectées et paupérisées. Disparu le 9 mars, à l’âge de 82 ans, Roland Castro a été le principal animateur des débats sur l’urbanisme des banlieues et sur la nécessité de penser la métropole du Grand Paris.
Figure de mai 1968, militant maoïste durant les années 1970, Roland Castro oriente sa pratique architecturale vers l’urbanisme, avec l’ambition de trouver un écho à ses préoccupations pour la banlieue dans la sphère politique. Avec son binôme Michel Cantal-Dupart, il fonde en 1981 l’association Banlieue 89, regroupant plusieurs architectes partageant la conviction que les banlieues doivent être au cœur des politiques urbaines. En 1983, il convainc François Mitterrand de l’accompagner dans un tour des banlieues franciliennes : le président de la République confie alors à Banlieue 89 une mission interministérielle dont l’objet est une réflexion sur le Grand Paris et l’éclosion de projets pour améliorer l’urbanisme des banlieues.
Centrée sur le couple maire-architecte, la mission dépend toutefois du bon vouloir des financements de l’État. Maigrement dotée, Banlieue 89 mène à leur terme une centaine de projets, principalement d’aménagements urbains. Cette mission suscite la critique sur ses résultats concrets, comme celle des urbanistes Jean Harari et David Mangin, évoquant « du gadget et de l’embellissement à moindres frais ». Certaines réalisations restent aujourd’hui pertinentes, comme l’aménagement des berges de l’île Saint-Denis, ou la redécouverte de l’ancien axe du château à Écouen, où l’association maire-architecte voulue par Castro a bien fonctionné.
L’apport de Castro et de Banlieue 89 réside aussi dans le rejet du recours systématique à la « démolition comme outil du changement » : l’architecte urbaniste se positionne en précurseur de la réhabilitation, qu’il appelle « remodelage », alors que la dynamite et la table rase étaient les moyens privilégiés de la recomposition urbaine. Associé à Sophie Denissof, Roland Castro mène des projets de réhabilitation de grands ensembles, comme à Villeneuve-la-Garenne, Argenteuil, ou Dunkerque. À Lorient, le remodelage du quai de Rohan lui apporte même une mention au prix de l’Équerre d’argent en 1996. L’atelier Castro-Denissof répond aussi à de grandes commandes d’équipement : on lui doit la Cité de la bande dessinée d’Angoulême ou le campus de l’Institut de technologie de Belfort-Montbéliard à Sevenans.
Des années 1980 aux mandats d’Emmanuel Macron, Roland Castro a aussi porté l’idée du Grand Paris tout au long de sa carrière. Lauréat de l’appel à projets lancé par Nicolas Sarkozy en 2008 (projet resté lettre morte), il est l’auteur en 2018 d’un rapport commandé par Emmanuel Macron sur le Grand Paris. Du grand « Central Park » autour de La Courneuve aux ministères implantés en banlieue, ses propositions provocatrices apportaient des réflexions pragmatiques sur l’urbanisme transitoire, la maîtrise foncière, et toujours le rôle central des maires dans l’aménagement du territoire.
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Roland Castro (1940-2023)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Roland Castro (1940-2023)