Philippe Katerine proclame un nouvel isme

« Bien sûr, il y a la fonte des glaces, la décrépitude, la trahison, l’agonie. Bien sûr, il y a la mort», écrit Philippe Katerine en introduction de son nouvel opus, mais « le mignonisme est là, en cherchant bien, à portée de main, pour conjurer le sort et aborder ces rivages incertains, plus apaisé. » Du « mignonisme », donc, comme une nouvelle optique de vie, une poésie simplette en guise de viatique pour l’existence. Un deuil joyeux de l’intelligence. Jouer avec la nourriture, scruter les orifices, faire des blagues niaises et des rêves débiles : avec un trait sûr et sans inhibition, l’artiste décline une métaphysique du pire envisagé comme un bruit de fond qui rend sourd.

Le Bon Marché lui ouvre ses portes à partir du 26 février 2022 pour une exposition présentant ses dessins, peintures, photomontages et autres sculptures en bubble gum. La Grande Épicerie proposera même de déguster le gâteau « Mignonisme » à l’effigie de son créateur. Celui-ci en livre la recette, la mine gourmande, sur Instagram, « un mélange de chocolat, de banane et de céleri », dont il est possible qu’il provoque un léger sentiment d’écœurement. Car si le mignonisme feint de se prendre au sérieux, il n’est pas sûr que ce soit un antidote à la nausée. À sa façon régressive, Katerine nous tend un miroir vaguement inquiétant : ce Monsieur Rose ventripotent aux bras tendus à l’horizontale comme pour éviter le choc du réel, se pourrait-il que ce soit nous ? L’idiotie, comme l’avait remarquablement analysé Jean-Yves Jouannais, dans l’ouvrage qu’il consacra en 2003 à cette posture artistique, est le refus de l’arrogance. On peut y voir une réponse, immature et désespérée, à la mesure de notre impuissance.