À Paris, Bruno Peinado installe dans la grande nef du Palais de Tokyo un paysage d’images et de volumes où des signes de tous horizons sont brassés par une soufflerie.
PARIS - Bruno Peinado est un familier du Palais de Tokyo. À la fin de l’année 2001, il avait anticipé l’ouverture du lieu en organisant une fête sur son parvis, et, il y a encore peu, il était au centre de l’exposition « Playlist ». Aujourd’hui, c’est dans sa totalité qu’il occupe la grande nef en courbe de l’institution parisienne pour y dérouler une suite d’œuvres regroupées sous le titre de « Perpetuum mobile ». Brassage des signes, import et export de tous horizons, les gestes de Bruno Peinado sont communément acceptés comme ceux d’une génération trentenaire bercée par la ronflette des samplers et pour laquelle l’original n’a plus valeur d’absolu. Mass media aidant, les images (comme les sons) forment un vaste répertoire avec lequel chacun doit composer de gré ou de force. Dans un refus de diffusion unilatérale, Peinado réinvestit par tous les moyens nécessaires (dessin, sculpture, installation) et, dans un même élan, signes et images de la culture noble comme populaire. Trônant au milieu de l’espace, Good Stuff est ainsi une reprise à grande échelle du jeu de cartes mis au point au début des années 1950 par Charles et Ray Eames. L’artiste l’utilise comme un dispositif d’emmêlement de ses propres motifs, des peintures où le « fait main » devient un style graphique marqué et revendiqué. Opposé à l’épure, le travail de Bruno Peinado se signale par son goût pour la profusion. Revendiquant le processus de « créolisation », théorisé par l’écrivain Édouard Glissant, il n’a de cesse de casser toute idée de pureté et de fracturer toute certitude. Il oppose « la pensée de l’archipel, des archipels, [qui] nous ouvre ces mers » à ce « qu’il y avait de continental, d’épais et qui pesait sur nous, dans les somptueuses pensées de système qui jusqu’à ce jour ont régi l’histoire des humanités », comme le réclame Édouard Glissant (Traité du tout-monde, Gallimard, 1997).
Façadisme
À l’extrémité du parcours, non loin d’une bétonnière transformée en boule disco (Born to Be Mild), le visiteur bute sur un échafaudage ponctué de paraboles satellites. Un chantier où poussent des récepteurs synonymes de communication, d’information, de propagande et de diaspora et à côté duquel trône une gigantesque mire télévisuelle réalisée en céramique. Cette vanité artisanale des ondes immatérielles est-elle une fin de partie ?
« Image unavailable due to copyright restriction » (Image non disponible en raison de droits limités), a peint Bruno Peinado sur un panneau noir placé à l’entrée de son exposition, posé comme un écran de drive-in devant une Fait 500 privée de ses roues. À la mesure du souffle qui fait doucement tanguer les mobiles suspendus au plafond du Palais de Tokyo (Flash-back), la dernière exposition de Bruno Peinado est en tout cas synonyme de nouvelles perturbations. Multipliant les perspectives, les points de vue et les changements d’échelle, son accrochage est un vaste jeu de construction baroque. Maison des illusions foraines, signalée par les lettrages The Lost and Found World qui la ponctuent, il est également un jeu de massacre qui tire sur des valeurs modernes depuis trop longtemps réduites à faire façade. Composé de carrés de couleurs primaires, le panneau de bois de Pacifique Lapalissade emprunte son nom et ses motifs à la maison construite par les Eames à Los Angeles. Un projet d’un habitat à vocation sociale, reproductible à large échelle, qui s’est rapidement imposé comme un décor idéal pour photographies de mode.
Jusqu’au 22 août, Site de création contemporaine, Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, 75116 Paris, tlj sauf lundi 12h-24h, tél. 01 47 23 54 01, www.palaisdetokyo.com
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Peinado fait souffler le vent du Sud
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Abonnez-vous dès 1 €Déco-décode Invité dans le cadre du partenariat qui lie le Palais de Tokyo avec les cafés Illy, Daniel Buren a installé au principal point de passage du lieu des miroirs visant à dédoubler et réfléchir l’architecture, et un plafond en caissons lumineux. Pop par ses points colorés, la structure, qui tient autant du plafond de discothèque que de l’aménagement aéroportuaire, s’inscrit parfaitement dans l’espace tout en brouillant ses repères et limites. Ludique, festif et formidablement déco, l’aménagement vient donc rappeler à point que si Buren a débuté dans les années 1960, il n’en est pas moins le contemporain de Tobias Rehberger ou Piotr Uklanski. - « Quatre fois moins ou quatre fois plus », jusqu’au 22 août. Fête de la musique Le groupe de rock pouvant depuis les années 1960 être considéré comme une matière optionnelle dans les écoles d’art anglaises, l’on ne s’étonnera pas de voir le lauréat du Turner Prize 2001 Martin Creed en concert le 18 juin au Palais de Tokyo. Le récital aura lieu dans le cadre de « Live », une exposition festival où les guitares côtoient les platines et des œuvres plus ou moins convaincantes. Inauguré le 14 mai, le projet culminera le 21 juin lors de la Fête de la musique avec la participation du DJ Alexkid. D’ici là, on pourra assister le 11 à un concert d’Astrud, ressortir les pantalons en cuir le 17 pour le revival 80’s proposé par Tobias Bernstrup, avant de danser au son des Customers (le duo de Daniel Pflumm et Klaus Kotaï). - « Live», jusqu’au 22 juin, programme : www.palaisdetokyo.com
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : Peinado fait souffler le vent du Sud