SAINT-NAZAIRE
Après une résidence à l’Atelier Calder, à Saché (Indre-et-Loire), Zilvinas Kempinas (né en 1969 en Lituanie) expose cinq œuvres entre le Grand Café et la Galerie des Franciscains, à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique). Il y met en jeu l’espace du spectateur et une conception dynamique de la sculpture.
Comment avez-vous commencé à utiliser la bande vidéo comme matériau et motif de votre œuvre ?
J’ai commencé à travailler avec des bandes de microfilms il y a plusieurs années. Je m’intéressais aux données sur la bande qui pouvaient être infinies. J’ai fait ensuite des installations avec des films 35 mm. Elles pouvaient porter beaucoup d’images tout en devenant abstraites avec de la distance. Ce furent mes premiers usages des bandes magnétiques, et les bandes vidéo en sont la continuité naturelle. Cela fonctionnait très bien avec l’espace ; c’est un matériau parfait, peu utilisé, très peu cher à l’usage, remplaçable, noir et totalement brillant donc avec un bel impact visuel, mais qui peut disparaître depuis un certain angle de vue, et avoir un mouvement. Il n’est pas aussi fragile qu’il en a l’air, et garde toujours un caractère extensible. La bande magnétique, c’est comme une écriture sur du papier, vous avez une ligne à suivre. Et puis les gens reconnaissent le produit et y associent nécessairement quelque chose.
Vous détournez un usage traditionnel pour créer un nouveau genre de mouvement pour ce matériau. Recherchez-vous une inversion des rôles ?
Absolument, car c’est une énergie potentielle. Tous les genres d’images et de sons pourraient être dans une bande vidéo. C’est toute la matière de votre imagination, avec ce que vous voulez voir. Il y a donc toujours ce regroupement potentiel d’images, de sons, de mouvements.
Vous présentez dans l’exposition trois sculptures faites avec des ventilateurs et des bandes magnétiques. Au Grand Café, l’une attire une bande vers le haut avec un ventilateur au plafond (Airborne, 2008), et l’autre active une double boucle grâce à deux machines (Lemniscate, 2008). À la Galerie des Franciscains, Big O (2008) est un grand cercle se mouvant entre deux ventilateurs. En quoi ces pièces sont-elles différentes ?
Elles le sont de nombreuses manières. Je passe toujours d’un projet à l’autre en résolvant certains problèmes intrigants. Par exemple, Airborne est la modification d’une œuvre antérieure, Flying Tape, où neuf ventilateurs étaient posés au sol. Ici il n’y en a qu’un au plafond, que vous ne voyez pas immédiatement. Le son n’est pas le même selon le nombre de machines présentées. L’espace est différent également. Vous pouvez marcher autour de Flying Tape, car la boucle sera normalement au centre. Avec Airborne vous la pénétrez ; je cherchais une manière de passer de l’extérieur à l’intérieur. Big O, dans la chapelle, est une pièce avec une boucle verticale, et non plus horizontale, qu’il a été très difficile d’équilibrer. C’était intéressant car je ne connais aucune autre œuvre d’art qui, à moins d’être gonflable, soit capable de se maintenir en l’air en bougeant. Quant à Double O, ses deux grandes boucles entre deux ventilateurs interagissent l’une envers l’autre, sautent l’une sur l’autre, se combattent, et parfois l’une tue l’autre. Ce sont toutes des œuvres différentes avec les mêmes éléments constitutifs.
Vos sculptures semblent aborder la question du corps dans l’espace plus que celle de la forme...
Je ne travaille pas avec la forme, mais avec l’espace, les proportions, la perception du corps dans l’espace. J’essaye de produire un sentiment nouveau et frais de l’espace.
Questionnez-vous un caractère furtif et instable de la sculpture ?
J’aime l’idée d’éphémère. Les gens y sont souvent émotionnellement plus réceptifs que face à un cube industriel ; c’est ma différence avec le minimalisme. Mes matériaux sont industriels, mais ils ont beaucoup plus de sensualité et de fragilité. Des œuvres, telle celle que je viens d’achever à l’Atelier Calder, vont être détruites à mon départ. Mais en ce moment, elles sont là, c’est ce qui m’intéresse. J’essaye d’avoir une conscience immédiate de l’œuvre, dans sa vision et son expérience, au lieu d’imposer quelque chose.
Jusqu’au 7 septembre, Le Grand Café, centre d’art contemporain, place des Quatre-Z’Horloges, tél. 02 44 73 44 00, tlj sauf lundi 11h-19h www.grandcafe-saintnazaire.fr ; Galerie des Franciscains, 6, rue du Croisic, 44600 Saint-Nazaire, tél. 02 40 66 37 81, tlj sauf lundi 14h-18h.
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Paroles d'artiste : Zilvinas Kempinas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Paroles d'artiste : Zilvinas Kempinas