Exposition monographique

Oldendorf aux bords du cinéma

Le Journal des Arts

Le 17 juillet 2007 - 681 mots

Poursuivant une recherche personnelle engagée dès la fin des années 1970, l’artiste allemand propose à Brétigny une critique des industries culturelles.

BRÉTIGNY-SUR-ORGE - Si le paradigme du cinéma et du cinématographique traverse la production de tant d’artistes, il est clair aussi que les « bénéfices » artistiques de tels emprunts sont très variés (qualité de l’image, attrait du récit, légitimité et reconnaissance culturelle du cinéma). Rainer Oldendorf, artiste frontalier vivant entre et la France et l’Allemagne (entre Lörrach – à deux pas de Bâle –, Paris et Besançon), se tient sur une autre frontière : celle qui traverse le « cinéspectateur », entre ce phénomène de projection physique et mental qu’est le cinéma et son puissant effet émotionnel sur l’imaginaire et la sensibilité individuelle. Pour Oldendorf, né en 1961, cette approche subjective est passée par une expérience personnelle forte, qui en fait un enfant du cinéma. Adolescent, il apprit à voir en même temps qu’à faire du cinéma en participant très activement au « Free Cinema », un collectif de programmation mais aussi de production orienté vers le cinéma expérimental et engagé dès les années 1970. Le groupe était installé à Lörrach, où l’artiste vivait aussi.
Après Bruxelles à l’automne 2006 (galerie Erna Hécey), le centre d’art contemporain (CAC) de Brétigny a invité l’artiste à occuper l’espace dans le sens de son travail tourné vers l’appropriation du médium filmique…
Le Free Cinema nourrit une partie de l’accrochage, avec des documents et un ensemble de films produits alors. Deux projections proposent des extraits de films : l’un (Schmuck, 2007, en cours de réalisation) sera prolongé par de nouveaux plans tournés sur place avec des lycéens de Brétigny. Sur un troisième écran se déroule l’action vagabonde de Marco, ce projet de film commencé en 1995 et constitué par addition de séquences (12 au total). Ces épisodes ont été tournés en divers lieux du monde et avec des acteurs recrutés pour l’occasion qui rencontrent le seul point de continuité du projet, le personnage et antihéros : Paul à l’écran. Composant un archipel narratif où les rôles et les rapports sociaux se tiennent comme en suspens, Marco 1 et Marco 2 ont été montrés dans divers états de leur développement et sont associés à des dispositifs (en diptyque avec une projection d’images fixes pour le 1, par exemple). Ils forment un long-métrage « picaresque », précise l’artiste.
Cette trentaine de tirages photographiques (des photogrammes de films qui n’existent pas) est présentée sur des murs de couleur, dans un accrochage « comme à la maison », complété par des sofas et banquettes. Plus que jamais aujourd’hui, le travail de Rainer Oldendorf offre le miroir d’une conscience précise de ce que c’est que de voir du cinéma, une interrogation ouverte tant au plaisir du spectateur qu’à son appétit réflexif. Oldendorf entretient cet entre-deux singulier, joueur et analytique, modeste passeur et grand maître d’œuvre. Surtout, du cinéma, il rappelle que c’est là une chose qui se partage, une pratique relationnelle qu’il prolonge en projections publiques et souvent en rencontres et autres séminaires (voir les rendez-vous de « Sektion film »). Entre critique des industries culturelles et figure en disparition de l’artiste moderne (Oldendorf expose aussi son bureau, comme s’il rendait les armes), il y a à Brétigny un beau moment de récits ambigus, d’abandons, d’équivoques, mais aussi de « belles » images et d’intensités sensibles, autant de facettes d’un travail au long cours.

 

Rainer Oldendorf, jusqu’au 10 mars, centre d’art contemporain de Brétigny, Espace Jules-Verne, rue Henri-Douard, 91220 Brétigny-sur-Orge, tél. 01 60 85 20 76, tlj sauf dimanche et lundi 14h-18h, www.cacbretigny.com À noter : jeudi 8 mars à 20 h 30 : projection de Marco, et rencontres au cinéma MK2 Hautefeuille, 7, rue Hautefeuille, 75006 Paris, tarif unique 6,80 euros ; vendredi 9 mars : « Sektion film », projection et rencontres au Ciné 220 à Brétigny, le soir et samedi toute la journée, informations au 01 60 84 04 42 ; samedi 10 mars : séminaire « Sektion film » CAC Brétigny toute la journée (autour de textes de Barthes, Chaplin, Courbet, Rorty, Schiller, entre autres).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°253 du 16 février 2007, avec le titre suivant : Oldendorf aux bords du cinéma

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