Au Mac/Val, à Vitry-sur-Seine, Noël Dolla propose un accrochage où travaux récents et anciens éclairent sa relation à la peinture et à la mémoire.
Votre exposition au Mac/Val est surtout composée d’œuvres récentes et d’une sélection précise de travaux anciens. S’agit-il d’une nouvelle mise en perspective de votre travail sans se placer dans le cadre parfois contraignant de la rétrospective ?
En effet, il manquerait trop de choses essentielles pour qu’il s’agisse d’une rétrospective. Les éléments à caractère « rétrospectif » sont là pour éclairer le travail des années 2002-2009, qui a suivi mon exposition au Mamco de Genève, fin 2002, qui, elle, était une rétrospective. Quand Franck Lamy, chargé des expositions temporaires au Mac/Val, m’a proposé ce projet monographique, j’ai souhaité mettre le regardeur au travail et lui faire comprendre le type de relations que je retenais d’une œuvre à l’autre, d’une période à l’autre, avec ces retours, ces circonvolutions. Et essayer d’illustrer le fonctionnement d’un cerveau, voire de mon cerveau.
On constate en effet des réminiscences, par exemple avec des tableaux de fumée de périodes différentes. Est-il chez vous récurrent de revenir sur certaines formes ? Est-ce une façon d’entretenir la mémoire propre de votre propre travail ?
Depuis le 14 décembre 1967, jour où j’ai fait mon premier étendoir et où je considère que je suis devenu artiste, j’ai toujours poussé chaque phase de mon travail jusqu’au moment où il me semblait que je ne pouvais pas aller plus loin dans l’instant, sauf à tendre vers l’épuisement ou la répétition stérile. À ce moment-là, je laisse ça en attente, comme un terrain en jachère. Comme j’ai plusieurs axes de réflexion et de travail, je me sers de ces territoires extérieurs et je vais cultiver autre chose. Puis, au moment où les autres types de réflexion s’épuisent, il arrive parfois que je retourne chercher à nouveau la source dans ces terrains en jachère, car subitement la mémoire de ce que j’avais fait revient au premier plan.
Il y a dans l’exposition un cloisonnement scénographique très net, avec une présentation très ouverte et trois espaces clos dans lesquels sont exclusivement accrochées les œuvres anciennes. Pourquoi cette distinction ?
C’était là justement toute la question de la mémoire. J’avais l’impression que ce que je donnais dans la totalité de la salle devait être éclairé par ces trois trébuchets. Je tiens à ce terme car il est multiple. Cela sert à peser. C’est aussi une cage pour attraper les oiseaux. Une arme également. Je souhaitais que les visiteurs entrent dans la salle, voient des choses, puis entrent dans ces trébuchets, s’y promènent et voient d’autres choses qui sont celles de ma mémoire ; et que cette mémoire tende à les contraindre à revoir ce qu’ils venaient de voir d’une autre manière. Et cela trois fois, ce qui fait une sorte de cercle infernal. Cela oblige à une véritable attention. Du moins je l’espère.
Peut-on lire votre travail comme une quête de déconstruction et de reconstruction du médium pictural ?
Absolument. Les premiers gestes que j’ai produits étaient tout à fait placés du côté de la déconstruction du tableau et de la peinture, et surtout de mon savoir-peindre dont j’ai appris à me démettre. Encore aujourd’hui, je mets toujours un peu d’os dans mes plats de manière qu’ils ne soient pas trop lisses ! Je ne cherche pas la difficulté pour la difficulté. Je cherche à ne pas céder à ce trop de savoir-faire qui parfois me fait peur. Je suis parfois dans le bonheur de la facilité de faire, mais je sais qu’à céder à ces sirènes-là on entre dans un processus où, très vite, on n’est plus maître de la situation.
L’exposition est assez grave, avec notamment beaucoup d’œuvres à caractère politique, ou en tout cas marquées par une actualité difficile, avec des références à Guantanamo, la politique américaine, Tchernobyl… Votre œuvre est-elle politique, ou simplement contestataire ?
Je crois d’abord que la forme est toujours idéologique, c’est une conviction que j’ai depuis toujours. Mais mon œuvre n’est pas une illustration politique, et en effet elle est contestataire. Il s’agit de notre capacité à dire non et à le répéter, à cesser d’être dans l’acceptation ou la passivité. A tort ou à raison, je veux pouvoir continuer à exprimer mes idées. Par exemple, je ne suis pas certain que Chavez soit un homme formidable, mais je ne veux pas entendre à la radio qu’on le qualifie de dictateur, car je ne crois pas que cela corresponde à la réalité. Au-delà, on peut en dire ce qu’on veut.
NOËL DOLLA. LéGER VENT DE TRAVERS, jusqu’au 2 août, Mac/Val, Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, place de la Libération, 94400 Vitry-Sur-Seine, tél. 01 43 91 64 20, www.macval.fr, tlj sauf lundi 12h-19h. Catalogue à paraître.
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Noël Dolla : « Cesser d’être dans l’acceptation »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : NOËL DOLLA