Entre expositions et installations pour l’architecture, Michel Verjux (né en 1956) poursuit l’hypothèse de travail qu’il a mise en place depuis le début des années 1980, et qu’il nomme « l’éclairage ». Soit un usage de la forme lumineuse projetée à la croisée de préoccupations conceptuelles, géométriques abstraites – entre minimal et concret –, et architecturales et réflexives.
Vous bénéficiez d’une actualité particulièrement dense…
Oui, cet automne est assez actif, avec plusieurs expositions collectives. Certaines viennent de fermer, à l’instar de « Extra-light » au Point Éphémère [Paris], au côté de John M. Armleder et de Banks Violett ; ou de celle que j’ai intitulée « Zip », montrant des travaux qui font référence à Barnett Newman à l’espace Black Box chez Art & Co à Bruxelles. Il y a aussi les expositions de Granville [Manche], à la Granville Gallery et au Musée Anacréon, en collaboration avec le designer Philippe Daney. Je prépare également avec celui-ci un gros projet de commande dans l’espace public pour la ville de Gennevilliers [Hauts-de-Seine] : le site des anciennes usines Chausson, appelé à se transformer en « cœur de ville », garderait ainsi une mémoire du passé industriel ; c’est un projet de longue haleine. Je dois mentionner encore le travail à quatre mains avec Cécile Bart à la galerie Verney-Carron à Lyon. Surtout, a été inaugurée récemment la commande publique pour la Saline royale d’Arc-et-Senans [Doubs], Synoptique. Et puis, je travaille en parallèle à des projets dans l’architecture, des dossiers de concours. Et enfin à la publication de mes textes…
Vous êtes souvent invité en Allemagne ; à quoi cela tient-il ?
À deux ordres de raison presque contradictoires : d’un côté, à cette culture de l’intégration de l’art et de la construction, du « Kunst am Bau », un héritage qui est passé par le Bauhaus, cette culture de l’art dans l’espace public (d’ailleurs, je travaille ces jours-ci à un projet pour Düsseldorf), que prolonge l’intérêt actuel pour le Licht Kunst [l’art de la lumière]. Les Länder rivalisent pour avoir leur festival de lumière, et l’on m’y invite assez souvent. L’autre côté allemand, c’est ce qu’incarnait le Suisse Harald Szeemann, qui m’a invité à plusieurs reprises : il parlait volontiers d’Intensität [intensité], là où je dirais « densité », « vitalité ». J’ai plutôt une conception eudémoniste de l’art, alors que l’art est trop dans une logique déceptive, négative – comme si on avait baissé les bras ! Je reste attaché, au-delà d’une économie minimaliste, à une dimension existentielle de l’art, qui se situe dans cette sorte d’équilibre que l’on trouve chez des artistes aussi différents que Fred Sandback, Niele Toroni, On Kawara ou Carl Andre. Ma proximité avec d’autres artistes (ou créateurs dans le domaine de la musique, du cinéma, de la littérature) ne doit pas grand-chose à des relations formelles, mais plus à un attachement à un art habité, qui ne craint pas de se frotter au sublime, à la peur divine… Cela rencontre un écho dans le vitalisme américain, chez les artistes mais aussi dans la tradition de la philosophie analytique. Wittgenstein a une place privilégiée dans mon parcours, dans la mesure où ce que je cherche en philosophie, c’est de me guérir de nos mauvaises manières de poser les problèmes en art, et de nous enfermer. Bien poser les questions pour échapper au formalisme, c’est-à-dire transformer en jeu de langage les formes de vie, cela me préoccupe en effet ! Mais la modernité tient aussi à la culture antique, à Thalès et à Socrate !
Comment ces préoccupations théoriques nourrissent-elles le travail, à Arc-et-Senans par exemple ?
La pièce a été conçue d’abord pour deux nuits, à l’occasion d’un concert donné par Pierre Henry, mais le nouveau directeur de la Saline a souhaité la garder, si bien qu’elle est passée dans le domaine de la commande publique. Le titre, Synoptique, est une réponse à la notion de panoptique qui intéresse l’architecte [Claude Nicolas] Ledoux ; Wittgenstein parle, lui, de la vision synoptique comme d’une vue d’ensemble mais qui reste une perspective précise, construite, et absolue. D’autre part, le propre de la projection est que l’œuvre, même pérenne, n’est pas permanente, puisqu’elle s’allume et s’éteint, qu’elle n’est pas passive comme un monument. Cela est déterminant pour la question du point de vue, qui demeure une question centrale dans le rapport à l’espace.
Lumière. Art. Design, Philippe Daney & Michel Verjux, jusqu’au 31 décembre, Musée d’art moderne Richard-Anacréon, La Haute Ville, place de l’Isthme, 50400 Granville, tél. 02.33.51.02.94.
Ni une ni deux, Cécile Bart & Michel Verjux, jusqu’au 20 décembre, galerie Georges Verney-Carron, 45, quai Rambaud, 69002 Lyon, tél. 04.72.69.08.20.
Synoptique, commande publique, Saline royale, 25610 Arc-et-Senans, tél. 03.81.54.45.45.
Site de l’artiste : www.michel-verjux.net
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Michel Verjux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°293 du 12 décembre 2008, avec le titre suivant : Michel Verjux