À l’occasion de son exposition personnelle à la galerie Jean Brolly, à Paris, Michel Verjux répond à nos questions.
Comment abordez-vous l’espace de la galerie Jean Brolly pour votre exposition personnelle ?
Je l’aborde comme les autres espaces architecturaux intérieurs, depuis que je fais ce que j’appelle des « éclairages », en retenant ce qui m’apparaît en être la tonalité d’ensemble, puis certaines particularités physiques et, enfin, les configurations-types (structurelles, fonctionnelles, etc.) : murs, sols, plafonds, verrière, portes et ouvertures intérieures, piliers et pilastres, etc. C’est avec les différents éléments d’un tel dispositif que je vais m’exprimer selon une logique d’intervention que je développe depuis le début des années 1980.
Quel est votre rapport à l’espace et à l’architecture en général ?
Une œuvre d’art est toujours, physiquement et sémiotiquement, en interrelation avec son environnement, l’architecture ou le paysage ; mais elle ne peut être réduite à eux. Elle coexiste ou lutte avec eux ; elle peut aussi être directement élaborée, construite avec eux. En ce qui concerne les espaces, je n’ai personnellement aucune préférence : ils préexistent à mes « éclairages » avec leurs qualités et leurs défauts. Si mon travail a consisté à mettre au point une sorte de langage, ce dernier doit alors pouvoir être utilisé dans toutes sortes de situations. J’espère du reste qu’on peut voir mes « éclairages » non seulement comme des dispositifs et des signes plastiques et esthétiques, mais aussi comme des événements, des « organismes » et des instruments créés pour toutes sortes d’usages – des plus prosaïques aux plus poétiques.
Comment en êtes-vous arrivé à utiliser la lumière comme support et matière de vos œuvres ?
Les questions principales qui me tracassaient en 1982 tournaient autour de celles de la décision de faire, de dire et de montrer, et plus particulièrement de celle de l’exposition-même. Comment aborder l’exposition, dans le champ artistique : en tant qu’événement, acte, objet, dispositif, signe… ? Est-ce qu’éclairer, c’est déjà exposer ? Et exposer suffit-il à faire une œuvre d’art ? La lumière était l’élément physique qui me semblait le plus logique à utiliser, une fois l’œuvre agrandie physiquement à son environnement lumino-matériel et spatio-temporel immédiat. Cela semblait aussi être le seul qui restait accessible (en dehors de l’espace, du temps et de la matière, déjà fort investis) et qui, de plus, n’avait pas été traité, selon moi, comme je le désirais. Je pensais aussi, un peu naïvement, que cet élément était assez facile à travailler, à maîtriser. J’ai très vite parlé d’éclairage, le terme « lumière » me paraissant trop flou ou trop connoté religieusement !
À quoi est liée l’utilisation du projecteur ?
La plupart des œuvres que je crée sont concrètement constituées de projections de lumière (électrique) directionnelles, « cadrables » et « focalisables ». J’utilise le plus souvent des projecteurs à découpe : les plus simples, adaptables et précis qui soient. C’est un peu la même chose que je recherche en ce qui concerne les formes élémentaires de lumière projetée (plus ou moins circulaires ou quadrangulaires). Quant à la diffraction de la lumière sur les bords des formes projetées, c’est un phénomène optique (une aberration optique, pour les fabricants de projecteurs) que l’on ne peut quasiment pas supprimer : je m’en sers donc pour que les découpes de lumière projetées se détachent le plus possible de leur environnement, tout en jouant avec lui, et pour individuer, visuellement, les œuvres.
Avez-vous l’impression que le spectateur a évolué dans son rapport à l’immatériel, à l’ambiance ?
Quel spectateur ? Je ne suis pas dans la sensibilité, le corps et la pensée de chaque personne qui visite une exposition d’art contemporain. Cela dit, j’ai parfois l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de véritables spectateurs, visiteurs ou observateurs – et dégustateurs – du monde, mais seulement des ombres affairées qui passent très vite, comme si elles avaient peur que l’éclairage ne les rattrape et ne les révèle comme étant ce qu’elles sont… Savez-vous ce qu’il arrive quand on éclaire une ombre ? Elle disparaît.
Galerie Jean Brolly, 16 rue de Montmorency, 75003 Paris, tél. 01 42 78 88 02. Jusqu’au 14 février.
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Michel Verjux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : Michel Verjux