Depuis quand l’art a-t-il le sens de l’humour ? Depuis toujours répondront certains. Si ce n’est que les artistes ont appris au cours du siècle dernier à se servir du rire pour attirer l’attention, séduire ou sidérer.
Il m’arrive de sourire dans les musées. Une fois, j’ai même éclaté de rire dans une exposition : c’était au Passage de Retz, en 2011, pour la « rapide rétrospective » consacrée à Jacques Lizène (« Désastre jubilatoire »). Lizène revendique avec beaucoup d’autodérision être un artiste de la médiocrité. Il me semble qu’aujourd’hui, dans un désir de s’ouvrir le plus largement possible, tous les sujets sont acceptés dans l’art, y compris dans les traitements les plus médiocres et, malheureusement, sans dérision. C’est pourquoi se moquer franchement de l’art par l’art peut parfois être efficace. Jacques Lizène, mais aussi le collectif Présence Panchounette, actif de 1968 à 1990, ou encore Arnaud Labelle-Rojoux qui s’est fait connaître par ses performances, comptent selon moi parmi quelques iconoclastes notables.
Je ne pense pas, si on regarde les gargouilles…
C’est une oscillation permanente. Un jour où je rendais visite à François Morellet, j’ai vu deux CD, posés côte à côte sur sa chaîne Hi-Fi : l’un du compositeur minimaliste Steve Reich, l’autre de l’humoriste Pierre Desproges. Cela résumait très bien son œuvre ! Morellet pouvait évoquer le Kamasutra en faisant de l’abstraction géométrique, ainsi de sa fameuse série La Géométrie dans les spasmes,« figurant » les postures amoureuses. Comme souvent, en art, l’efficacité des propos se cache dans la subtilité. L’humour relève d’une alchimie, entre une forme d’habileté et d’efficacité, qui fonctionne par exemple merveilleusement bien dans la série des sculptures en glaise de Fischli et Weiss (Suddenly This Overview,1981-).
L’autodestruction partielle de Girl with Balloon, le chef-d’œuvre très relatif de Banksy déchiqueté lors de sa mise aux enchères chez Sotheby’s, à Londres en octobre 2018. Le procédé était grossier et la mise à distance par rapport au marché douteuse. Il faut en passer par là pour que l’on parle d’art dans les médias généralistes, et cela éloigne encore plus de toute finesse. D’ailleurs, d’une manière générale, on se détourne toujours plus de la possibilité de conceptualiser les œuvres.
Oui, par exemple dans Sublimation Bananes/Kodak (2011, collection du Cnap), qui avait été présentée à la Fiac. Cette pièce, issue d’une série, n’était pas dénuée d’humour, ni de provocation, mais elle permettait avant tout un jeu d’association entre un outil d’étalonnage photo et un fruit exotique. Une manière d’évoquer l’industrie de l’image en actualisant à la fois la nature morte et le ready-made. Pour ma part, l’humour m’offre une sortie de secours afin d’éviter de me retrouver dans une impasse : il est aussi présent dans mes pièces que la mélancolie. Il ne s’agit pas plus de faire rire que de faire pleurer.
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Mathieu Mercier, Prix Marcel Duchamp 2003
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Mathieu Mercier, Prix Marcel Duchamp 2003