Le Centre Pompidou-Metz offre la plus importante rétrospective en Europe des « Wall Drawings » de l’artiste conceptuel.
METZ - L’art conceptuel affirme la primauté de l’idée sur la réalisation, et il peut représenter, aux yeux des historiens, l’ultime aboutissement de la conception léonardesque de l’art comme « cosa mentale », qui privilégie le disegno ou travail de l’esprit, intention – dessein au sens à la fois de dessin et projet. Pour l’Américain Sol LeWitt (1928-2007), l’un des tout premiers contributeurs à la définition de ce mouvement, dès 1967, la réalisation fait partie de l’idée, et il serait contraire au concept que de ne pas la réaliser (la date de la première réalisation constitue d’ailleurs celle de l’œuvre, non celle de son énonciation). Et, semble-t-il nous rappeler, le disegno n’est pas seulement « l’idée » mais l’expression sensible de l’idée. L’exposition de trente-trois (sur un total de 1 200) de ses Wall Drawings (dessins muraux) au Centre Pompidou-Metz en témoigne, qui fait voir l’évolution et la diversité de sa pratique entre 1968 et 2007, selon un parti pris du noir et blanc (1).
« Faire des dessins muraux »
La présentation, sous le commissariat de Béatrice Gross, a été conçue en collaboration avec la Collection LeWitt, pour la sélection et la réalisation de ces dessins. Sept assistants professionnels habilités ont encadré 13 jeunes artistes et 65 étudiants issus de quatre écoles d’art, d’architecture ou de design de Metz-Épinal, Nancy et Reims : une expérience particulièrement formatrice pour des étudiants. Car si l’artiste fournit le plan (écrit, oral ou dessiné) de l’œuvre, ainsi, pour Wall Drawing #260 : « Sur des murs noirs, toutes les combinaisons en deux parties d’arcs blancs partant des coins et des côtés, et de lignes blanches droites, non droites et brisées », ce protocole est depuis toujours « interprété par le dessinateur », selon les propos de l’artiste. Pour LeWitt en effet, l’artiste et le dessinateur « deviennent collaborateurs dans la fabrication de l’œuvre » (2) et les décisions qui peuvent être prises par ce dernier comme les erreurs qu’il peut commettre font partie de l’œuvre. Le nom des premiers dessinateurs du wall drawing figure d’ailleurs sur son cartel. Cependant, bien que chaque personne trace une ligne différemment, le dessin mural reste « l’art de l’artiste aussi longtemps que le plan n’est pas transgressé ».
À Metz, Sol LeWitt aurait probablement jugé « optimale » la traduction de ces divers énoncés – plusieurs des présentes réalisations feront désormais référence pour l’atelier LeWitt. Aucun effort n’a en effet été épargné quant à la préparation des cimaises, qui a nécessité à elle seule pour les équipes un mois de travail. Les dessins au crayon à mine, au lavis d’encre de Chine ou au graphite, les plus subtils dans leurs variations de tonalité, font corps avec la surface des murs, s’ajustant idéalement à leurs proportions. Des premières œuvres modulaires et combinatoires, usant d’un trait fin et léger, jusqu’aux modulations douces des derniers « scribble » (crayonnages), la rigueur du processus mental y rencontre la sensibilité tangible de la forme.
- Commissaire de l’exposition : Béatrice Gross, indépendante
- Scénographie : Cécile Degos
Jusqu’au 29 juillet, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-L’Homme, 57000 Metz, tél. 03 87 15 39 39, www.centrepompidou-metz.fr, tlj sauf mardi 11h-18h, à partir de 10h le sam.-dim., jusqu’à 20h le jeu.-vend.-sam. (à partir du 1er mai jusqu’à 20h le sam.). Catalogue à paraître en septembre.
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LeWitt en noir et blanc
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Abonnez-vous dès 1 €(1) Le pendant chromatique de cette rétrospective sera présenté du 21 juin au 14 octobre au M-Museum à Louvain (Belgique).
(2) « Doing Wall Drawings », in Art Now, vol. 3, no 2, New York, juin 1971.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : LeWitt en noir et blanc