L’Espagne se dote enfin d’un Centre national de photographie

Soria, Espagne. Le 18 juillet dernier, le Conseil des ministres espagnols a entériné la création du Centre national de photographie. Il s’établira à Soria (Castille-et-León) dans le siège de l’ancienne Banque d’Espagne [voir ill.], et bénéficiera de 8,5 millions d’euros pour la réhabilitation de l’édifice. Le début des travaux est prévu pour 2024, avec une ouverture au public en 2026.

Cette annonce officielle fait suite à des décennies de sollicitations pour la création d’une institution consacrée exclusivement à la pratique photographique, qui soit placée sous la protection du ministère de la Culture. 8 500 professionnels de la photographie, dont plusieurs ayant reçu le Prix national de photographie (Chema Madoz en 2000, José Manuel Ballester en 2010, Laia Abril en 2023…) ont uni leur voix, début 2021, au sein de l’association Plateforme Photographie et Image, pour se faire entendre. En novembre 2021, Pedro Sánchez, le président du gouvernement espagnol, a annoncé qu’un centre national de la photographie verrait le jour à Soria.

La création d’une telle institution d’État a été compliquée à mettre en œuvre en Espagne à cause de la répartition des compétences culturelles dans les 17 Communautés autonomes. « Il existe des centres consacrés à la photographie dans chaque Communauté, mais la création d’un espace centralisé est fondamentale pour préserver une mémoire unifiée du pays », indique Sandra Maunac, membre de la commission de la Plateforme. « Chaque centre fonctionne avec sa propre politique de conservation ; le centre national devra renforcer les travaux préexistants avec la création d’un inventaire national, pour pouvoir identifier l’ensemble des fonds, et faciliter un travail en synergie entre les diverses institutions », précise-t-elle.

Les photographes espagnols ont également souffert, historiquement, d’un manque de reconnaissance dans leur pays. Le nouveau centre devrait y remédier, tout en devenant un lieu de référence à l’international. « La photographie a mis du temps à trouver sa place parmi les beaux-arts en Espagne, car elle a longtemps été considérée comme un simple outil pour la mode, l’histoire ou le documentaire », précise Natàlia Garces, directrice du département de photographie de l’université d’Alcalá et membre de la commission de la Plateforme.

La réhabilitation de l’ancienne Banque d’Espagne, d’une superficie totale de 3 500 m2 répartis sur quatre étages, est un choix salué par les professionnels du secteur, qui ont apprécié « l’élan obstiné de la Mairie pour que le projet voie le jour », explique Sandra Maunac. Cet emplacement géographique répond également à la volonté du ministère de la Culture de décentraliser les espaces culturels, aujourd’hui principalement situés dans les grandes villes comme Madrid, Barcelone ou Valence. Le centre accueillera des expositions temporaires, répondant aux attentes d’une institution qui doit être « un nœud dynamique », alliant conservation et diffusion, tel que formulé par le manifeste de la Plateforme.

Si le nouveau Centre national de Photographie doit garantir « la correcte conservation des témoignages matériels représentatifs de la photographie en Espagne », indique le ministère de la Culture, il lui faudra néanmoins constituer une collection propre qui ne dénature pas les collections déjà établies, les fonds photographiques étant aujourd’hui répartis dans les différents musées d’État et les divers centres régionaux. « Il faut garder une cohérence dans les récits, car les fonds doivent être conservés en résonance avec la région du photographe ou du sujet », indique .