Le 51e Salon international du meuble de Milan s’est déroulé du 17 au 22 avril dernier. Si cette nouvelle édition a confirmé que le secteur était en crise,
elle a aussi montré que les éditeurs avaient su se concentrer sur les fondamentaux. L’occasion pour nous d’y traquer les nouveaux matériaux qui débarqueront bientôt sur le marché du design. Et de sélectionner quelques-unes des matières « tendance » qui vont marquer cette rentrée…
Le verre dans tous
Le verre est, cette année, redevenu un terrain de jeu prisé des designers. Passionné par les modèles issus de la nature, le Gallois Ross Lovegrove se permet même quelques excentricités avec la complicité du verrier tchèque Lasvit. Ainsi, pour le projet Liquidkristal, use-t-il d’un nouveau système de moulage industriel numérisé et donne au verre un aspect ondoyant, comme un reflet à la surface de l’eau. « Découvrir de nouvelles possibilités esthétiques entre des formes complexes et la lumière », tel est son credo.
Chez Glas Italia, les designers aussi s’en donnent à cœur joie. D’abord, l’Espagnole Patricia Urquiola, avec sa table Crossing, strie le cristal transparent de bandes polychromes. Pour son banc Bent Glass Bench, le Japonais Naoto Fukasawa courbe, lui, le matériau – du cristal transparent de 12 mm d’épaisseur – d’une manière particulière qui lui confère, paraît-il, une extraordinaire résistance aux chargements. Un brin plus straight parce que britannique, Jasper Morrison dessine le rigoureux et élégant bureau Pirandello qui s’affiche en deux versions distinctes : l’une en cristal entièrement transparent, l’autre en un nouveau cristal acidé et translucide.
Enfin, pour la manufacture française Baccarat, Patricia Urquiola réinvente les principes de taille, réveille la palette de couleurs traditionnelles et conçoit une collection intitulée Variations, une ligne de vases et de verres acidulés comme des bonbons et aux formes facettées qui se composent tel un jeu de construction en s’empilant les unes sur les autres.
La délicatesse de la céramique nippone
Le Japon recèle toujours des trésors de savoir-faire, en particulier dans le domaine de la céramique. Cette année, les artisans nippons ont ainsi exhibé des pièces d’une qualité rare et d’une finesse non moins extrême. Shigeo Mashiro, pour l’éditeur Sfera, démontre par exemple sa dextérité à travers un habile travail de porcelaine, Moon Frost, une série de vases cubistes à la limite de la sculpture. Dans une étonnante exposition baptisée « Japan Creative » et réunissant des tandems associant un designer européen et un artisan nippon, la Française Inga Sempé revisite la poterie traditionnelle Oribe fabriquée par les fameux céramistes de Koubei-gama, installés depuis deux siècles dans la région de Gifu, et dessine une vaisselle aux formes basiques intitulée Container Family. La designeuse l’orne de motifs abstraits, dont des lignes de couleurs différentes qui animent avec subtilité l’émail profond et changeant des gammes traditionnelles de la marque.
Filiale de la compagnie Momota-Touen, le potier 1616/Arita, originaire lui de la ville éponyme sise sur l’île de Kyushu, au sud du Japon, a exhibé deux superbes collections de vaisselle. La première, baptisée Standard, est signée par le Japonais Teruhiro Yanagihara, et est conçue à partir de terre de haute densité donnant aux objets une résistance extrême autant à la chaleur qu’aux taches, même sans émaillage. La seconde ligne est l’œuvre du couple amstellodamois Stefan Scholten et Carole Baijings. Leur délicat service Colour Porcelain – assiette, coupe, bol, tasse, plateau, vase, bougeoir, théière… – arbore des couleurs japonaises typiques tels le bleu aquarelle, le vert clair, le rouge-orange et l’ocre, néanmoins associées dans des combinaisons plus contemporaines.
Le granito nouveau
Après le marbre l’an passé, un autre matériau d’antan refait surface cette année : le granito, aussi appelé terrazzo. Ce matériau de construction traditionnel employé dans le nord de l’Italie dès le XIIIe siècle et jusqu’à son apogée au XVIIIe siècle, notamment pour réaliser les sols et les escaliers des palais vénitiens, est constitué de granulats colorés – fragments de marbre, de quartz, de granit, de verre ou autre matériau… – agglomérés avec du ciment, le tout poli jusqu’à donner l’apparence du granit. Le granito offre une grande richesse de nuances et une variété de couleurs avec le fini du marbre sans toutefois sa fragilité. Quasi tombé en désuétude, il fait un retour remarqué sur le devant de la scène grâce à de jeunes designers qui n’hésitent pas à transposer ladite matière dans l’univers de l’objet. Ils usent ainsi du matériau non plus comme d’une matière de revêtement, mais comme d’un « vrai » matériau en trois dimensions. Ainsi, Joschua Brunn, étudiant à l’École cantonale d’art de Lausanne (Suisse), a imaginé la lampe Petit Central, dotée d’un solide socle vertical en granito, qui lui assure la stabilité, et d’une tête de lecture multidirectionnelle dotée de LED. Les Canadiens Stéphane Halmaï-Voisard et Philippe-Albert Lefebvre, eux, ont carrément dessiné des meubles, avec l’aide d’artisans transalpins de la région du Veneto. Leur collection, baptisée Terrazzo Project (www.terrazzoproject.com), se compose, pour l’heure, d’un tabouret, d’une table, d’une étagère et d’un luminaire.
Le recyclage toujours en vogue
En ces temps d’écologie à tout va, le recyclage a évidemment toujours le vent en poupe. Trois étudiants du Royal College of Art de Londres, Alexander Groves, Kieren Jones et Azusa Murakami – réunis pour l’occasion sous le label Studio Swine – présentent la Sea Chair, un siège fabriqué en recyclant des déchets de plastique rejetés par la mer sur les plages britanniques. « Nous avons été choqués lorsque nous avons appris l’existence de The Great Pacific Garbage Patch (zone, dans l’océan Pacifique, découverte en 1997 et présentant une forte concentration de déchets plastiques, NDLR), laquelle mesurerait, selon les scientifiques, deux fois la taille de l’État du Texas… »
Quant à Philippe Starck, après quelque quatorze années au service de l’américaine Emeco, il a enfin décidé de balayer devant sa propre porte, récupérant des déchets de polypropylène et de bois et les mélangeant allègrement pour concevoir la chaise Broom.
Plus poétique, le styliste japonais Issey Miyake, et désormais néodesigner de mobilier et d’objets, réalise une belle collection de luminaires, baptisée In-Ei et produite par un spécialiste transalpin de la lumière, Artemide. Celle-ci est conçue avec une fibre textile inédite obtenue à partir du recyclage de bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET), autrement dit celui dont on fait les bouteilles de plastique. Ces dernières sont transformées en textile « au moyen d’une technologie verte qui réduit jusqu’à 80 % la consommation d’énergie et les émissions de C02 par rapport à la production de matériaux » (dixit le fabriquant). Inspirées des fameuses lampes en papier d’Isamu Noguchi, celles-ci se déploient grâce à un judicieux système de pliages et de coutures, qui se passe d’une structure intérieure portante. Magique !
Le bois se la joue pastel
Après une période scandinave bercée d’essences blondes voire carrément blanches, le bois reprend des couleurs. Mais attention : à dose homéopathique ! L’Espagnol Martí Guixé le suggère avec son banc March Wall, dessiné pour l’éditeur finlandais Nikari Oy, lequel s’appuie tout seul contre le mur. Outre-Rhin également, les tons pastel sont de mise. Ainsi en est-il de la production tout en retenue de l’entreprise allemande Stattmann Neue Moebel, qui présente une collection de beaux meubles découpés au laser numérique, comme les étagères Plug Shelf de Steffen Kehrle, la chaise Profile du Belge Sylvain Willenz ou les étagères murales Unit Shelf de Marina Bautier. De son côté, l’éditeur nippon Karimoku affiche, lui aussi, ses délicieux tons de sucreries pour une collection de meubles à croquer : la chaise Castor du trio suisse Big Game, le tabouret Tones de l’incontournable Belge Sylvain Willenz, ainsi que cette toute petite et toute douce table basse Soft Triangle, imaginée par le duo suédois Taf.
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Les tendances design que l’on préfère
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°649 du 1 septembre 2012, avec le titre suivant : Les tendances design que l’on préfère