Œuvre

Les minutes d’Ohanian

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 2004 - 383 mots

Qu’il poursuive une mémoire ouvrière vacillante par un travelling dans un site déserté (White Wall Travelling, 1997), capte la course d’un athlète en lutte contre la durée de sa performance (At Late, 1998), ou trace la géographie d’une île laboratoire (Island of an Island, 1998-2001), Melik Ohanian élabore depuis la fin des années 1990, à partir de l’image (vidéo, cinématographique ou photographique), des configurations aptes à produire de nouvelles synchronisations entre la réalité, son enregistrement et sa restitution.
Seven Minutes Before, l’œuvre réalisée à l’occasion de son invitation à représenter la France à  São Paulo, s’inscrit dans la droite ligne de ce corpus, tout en ouvrant un nouveau chapitre. Travaillant avec les moyens de l’industrie cinématographique, l’artiste souscrit pour la première fois au régime de la fiction. Bien que structurelle, cette option n’intervient toutefois qu’en fin de partie. Elle est réservée à l’événement qui vient clore le dispositif de Seven Minutes Before : une collision de véhicules dans laquelle s’emboutissent les sept projections qui composent le film. Auparavant, ces sept points de vue simultanés et juxtaposés donnent la parole à des personnages qui campent leur propre rôle. Ils s’attachent à des scènes vécues et rejouées et font remonter à la surface des références (Matta-Clark, Smithson) comme autant de fantômes.
Pendant les quelques minutes précédant la levée du jour, la route de deux kilomètres qui sillonne un vallon du Vercors sert d’axe au voyage mental d’un spectateur noyé dans des résurgences et des événements apparemment épars, mais finalement appelés à se cristalliser dans la collision finale. Cofinancée par l’Association française d’action artistique, la délégation aux Arts plastiques et la galerie Chantal Crousel (Paris), l’œuvre, qui a fait l’objet d’une commande publique, devrait être montrée en France avant la fin de l’année 2005. D’ici là, c’est sous la forme d’un ouvrage (1) que l’on pourra revenir sur le projet. Dirigé par le critique Jean-Christophe Royoux (un des trois protagonistes avec Corinne Castel et Nathalie Viot de « Kristale Company », la société créée par l’artiste pour l’accompagner), Cosmogramme ne reprendra pas tant les images de Seven Minutes Before que son principe, en produisant une collision à partir de textes scientifiques et littéraires, réunis ici en écho à l’état fragmenté et simultané du monde contemporain.

(1) à paraître ces jours-ci chez l’éditeur américain Lukas & Steinberg.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Les minutes d’Ohanian

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