Architecture

Les Gaudin font leurs Lettres

Par Pierre-Alain Four · Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2000 - 600 mots

Délocalisée de Fontenay à Lyon, l’École normale supérieure, ENS Lettres, inaugurera ses nouveaux locaux début décembre. L’impressionnant programme architectural – salles de cours et de recherche, bibliothèque, logements des étudiants et des chercheurs, restaurant, gymnase et salle de spectacle – a été dessiné par Henri Gaudin, Bruno Gaudin (le fils) ayant la charge de la bibliothèque et du restaurant. Le résultat surprend par l’intégration à un quartier décousu et une grand cohérence interne.

LYON (de notre correspondant) - L’arrivée par l’avenue Jean-Jaurès montre tout d’abord une curieuse façade dont les toits en zinc descendent à mi-hauteur. Cet alignement imposant dessine l’avenue de ce quartier de Gerland à l’urbanisme encore lâche et délimite le territoire de l’ENS. Mais loin de tout monolithisme qui s’imposerait au quartier, l’école affirme son identité et sa volonté de se lier à son environnement “par une architecture de la relation”, explique Henri Gaudin. Ainsi, la belle maison des chercheurs et les logements de fonction sur la rue André-Bollier, tout en petits volumes, s’adaptent à l’étroitesse de la rue et répondent aux bâtiments industriels peu élevés qui lui font face. Cet habitat semble aussi être une résurgence des maisons construites par Tony Garnier au sud de ce quartier.

L’entrée principale de l’ENS, précédée d’un long parvis pavé de pierres et de réserves paysagées, serties de larges dalles asymétriques, enserre progressivement le visiteur. Cette cour ouverte “cernée de murs rectilignes repoussés par des avancées courbes à leur tour rompues par d’autres rectitudes”, précise Henri Gaudin, propose un mouvement qui allie puissance à un certain maniérisme. L’impression de solennité et de vie qui en résulte, introduit bien l’ensemble du bâti. Le hall d’entrée, clair, vaste et spacieux dirige vers l’administration, les salles de cours et le lieu-ressource, bloc le plus élevé de l’ensemble. Il dessert aussi une petite salle de théâtre qui sera accessible au public extérieur. La bibliothèque, le restaurant et les logements sont des bâtiments indépendants.

Une parcelle à urbaniser
La complexité du programme et la vocation de l’école elle-même supposait une forme de sophistication bienvenue dans un quartier en expansion rapide, mais où l’hétérogénéité et pour tout dire la médiocrité architecturale tiennent le haut du pavé. Car, excepté le lycée international, construit par le cabinet Jourda et Perrodin, les efforts urbanistiques et architecturaux sont inexistants. L’ENS Sciences s’oppose sans originalité à la perpendiculaire de la Halle Tony-Garnier, les laboratoires Aguettant sont faits d’un bloc en tôle ondulée tandis que le laboratoire P4, financé par Mérieux, impose sa banalité sur pilotis. Et l’on pourrait multiplier les exemples dans un quartier qui se veut le moteur “high tech” de la cité.

Les Gaudin ont eu la chance, mais aussi la difficulté d’avoir à urbaniser une immense parcelle (7,5 hectares) et d’en faire un petit quartier. Leur parti pris de “meubler” à outrance la portion nord-est (54 000 m2) pour dégager un futur jardin sur la partie sud-ouest, nuit à une visibilité immédiate mais permettra de maintenir l’attention sur l’architecture : l’ENS ne se donne pas immédiatement, elle exige des efforts, mais elle est suffisamment séduisante pour qu’on ait envie de les faire.

Un financement discuté

Si l’architecture de l’ENS s’avère une incontestable réussite, le financement par les collectivités locales des deux tiers de son coût – plus de 800 millions de francs – suscite de fortes polémiques. Surtout à l’heure où les universités lyonnaises sont en travaux (campus de Bron pour Lyon-II), se dotent d’un nouvel équipement (Lyon-III dans le quartier de Gerland), ou enfin doivent affronter la reconstruction de la bibliothèque inter universitaire partie en fumée voilà deux ans. Une différence de traitement qui agace les universitaires.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°115 du 17 novembre 2000, avec le titre suivant : Les Gaudin font leurs Lettres

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque