Le design mène à tout, à condition d’en sortir. C’est en tout cas ce que semblent se dirent certains fils et filles de designers fameux, lesquels ont déserté le registre paternel pour se tourner vers… le rock.
Celle qui a ouvert la voie est Orsola Branzi, 40 ans, fille d’Andrea Branzi, 73 ans, théoricien et cofondateur du célèbre groupe Archizoom. D’abord DJ avant d’être révélée sur la scène hip-hop italienne au milieu des années 1990 sous le pseudonyme de « La Pina », elle est la première Transalpine à avoir gravé un disque en tant que « rappeuse » : Il CD del La Pina. En 1998, son deuxième album, Piovono Angeli [« Il pleut des anges »] est enregistré avec la panna della panna (« la crème de la crème ») du rap de la Péninsule : DJ Skizo, Ice One, Fritz Da Cat, Tosca, The Soul Kingdom… Aujourd’hui, Orsola Branzi produit des programmes réputés hilarants pour la radio et la télévision, dont l’émission Queen Size (sur Deejay TV). Dix ans après son dernier album, Cora, elle s’apprête à sortir un nouvel opus.
Moelleuse rengaine
Outre-Manche, c’est la fille aînée de Ron Arad, Lail Arad, 27 ans, qui a troqué la palette graphique du père au profit d’une guitare sèche. Songwriter dans l’âme et espiègle à souhait, elle arbore une étonnante voix grave et cisèle ses textes (Everyone is Moving to Berlin, Winter, Who Am I…) avec un humour certain. Son premier album, Someone New (Notify Music/EMI), qui vient de sortir en France, distille une sorte de country pop light et néanmoins plaisante. D’aucuns ont pu s’en rendre compte de visu, en mars, lors d’une série de concerts que la jeune femme a donnés dans l’Hexagone, à l’occasion de la 14e édition du Festival Les Femmes s’en mêlent.
Dans l’Hexagone justement, Ara Starck, 32 ans, fille aînée de Philippe Starck, a fondé un duo, avec David Jarre – fils du « designer » sonore Jean-Michel Jarre. À l’époque où elle œuvre à la conception de leur premier disque (The Two, Wagram, 2010), Ara Starck, qui est aussi peintre – passée par les Beaux-Arts de Paris et le Central Saint Martins College de Londres, excusez du peu –, conçoit une commande de taille : une toile grand format pour le plafond du restaurant de l’hôtel Le Meurice, à Paris, institution que son géniteur réhabilite alors de fond en comble. Le tandem qu’elle forme avec Jarre junior, elle au chant et lui à la guitare, s’appelle « The Two » et déploie un style propret, mi-rock mi-folk. À preuve, cette moelleuse rengaine baptisée I Wanna Be With You Again, à l’entêtant refrain. On est décidément à mille lieues du monde du design.
Ce monde dans lequel tous ont baigné depuis qu’ils sont petits, c’est au final Benjamin Paulin, 32 ans, fils de feu Pierre Paulin (1927-2009), qui lui fait le plus de clins d’œil appuyés. Ce crooner désabusé concentre ses hommages à l’œuvre de son papa, comme en témoignent certains clips de son dernier album (L’Homme moderne, Universal/AZ, octobre 2010). Ainsi, dans Le Déserteur, Benjamin Paulin est affalé dans un canapé Pumpkin (1971, réédité en 2008 par Ligne Roset) ; pour Notre Futur n’a pas d’avenir, il occupe une chauffeuse F577 dite Tongue (Artifort, 1963). Dans ce dernier clip, les initiés auront remarqué qu’il use avec malice d’un fer à repasser Calor, marque dont son père fut longtemps le designer attitré. Les textes des chansons, eux aussi, sont des tributs : « Je suis l’homme moderne, posé comme un meuble / Un collectionneur d’objets sans utilité /Je suis l’homme high-tech / Pas de bibliothèque comme en avaient mes ancêtres ou… peut-être pour la décoration du living avec d’authentiques objets d’arts fabriqué en usine […]. » Chassez le naturel, il revient au galop !
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Les enfants du design
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°347 du 13 mai 2011, avec le titre suivant : Les enfants du design