« Le collant léopard que je porte sur le visage et qui est le masque de Zevs aurait pu être mon objet fétiche. Mon choix s’est finalement porté sur l’échelle car c’est l’élément auquel je suis le plus attaché »
Fétiche « À vrai dire, j’ai un peu hésité », annonce l’artiste, d’une voix calme et réfléchie : « Le collant léopard que je porte sur le visage et qui est le masque de Zevs aurait pu être mon objet fétiche. Mon choix s’est finalement porté sur l’échelle car c’est l’élément auquel je suis le plus attaché : celle-ci nourrit mon imaginaire et m’est indispensable pour mes interventions urbaines. Je m’en suis servi pour la première fois quand j’ai commencé à peindre sur les murs un nuage barré d’un éclair, ce qui est mon emblème de graffitiste. » La silhouette élancée, l’allure d’un dandy, le Français Zevs n’a rien d’un baroudeur enragé. Il est plutôt du genre cérébral et avance ses pions avec la précision d’un joueur d’échecs. Il aime aussi cultiver le mystère concernant sa véritable identité. S’il a commencé à taguer dès l’âge de 14 ans, il a aussi fait ses classes au Musée d’art moderne, à Beaubourg, où il passait le plus clair de son temps. Il voulait devenir peintre. De fait, très vite, il réinvente le street art : il dessine par exemple sur la chaussée les ombres portées du mobilier urbain, selon les pratiques de la police criminelle, brouille le message des affiches publicitaires par un geste minimaliste comme de peindre un rond rouge entre les deux yeux des modèles exposés par 3 m x 4 m, figurant l’impact d’une balle. Il trace aussi des motifs au Kärcher sur des murs ainsi décrassés ou liquide des logos universellement connus, comme ceux de McDonald’s, Chanel ou Coca-Cola, par une dégoulinade de peinture. Voilà pour Zevs qui doit son pseudonyme au nom du RER qui a failli le faucher dans un tunnel, au début de ses performances urbaines.
En parallèle, il signe sous le nom d’Aguirre Schwarz des peintures post-pop aux couleurs éclatantes et à la portée critique. À propos de son objet préféré, l’artiste, un temps comédien, explique, un sourire en coin : « L’échelle m’a permis de rejoindre les dieux et les déesses de l’Olympe publicitaire incarnés par les top models ! » Il ajoute, plus sérieux : « L’échelle est un objet qui me fait penser à La Colonne sans fin de Brancusi : longue ou courte, elle possède toujours la même structure. Et si je fais un peu d’introspection, je me souviens que les premiers murs extérieurs sur lesquels j’ai commencé à exercer mes talents longeaient une voie ferrée, or les rails et les travées forment un dessin similaire à une échelle. L’envie d’évasion, déjà ! » Il raconte aussi avoir été très impressionné par une photo prise à Hiroshima où l’on voit, projetée sur un mur par l’intensité lumineuse de la bombe atomique, l’empreinte d’un peintre en bâtiment au bas d’une échelle, son rouleau de peinture à la main. Dans un registre moins tragique, concernant les images qui l’ont marqué, cet abonné des visites aux musées évoque le tableau de Rembrandt Le Philosophe en méditation (1632) qui se trouve au Louvre et dans lequel figure un escalier en colimaçon, métaphore philosophique de l’ADN de nos existences. Il confie encore : « Monter tout en haut d’une longue échelle représente toujours un défi contre la peur et demande une concentration extrême. La chute n’est jamais loin. Et lorsque je repose le pied par terre, je ressens un soulagement ! » À propos d’équilibre, l’exposition que Zevs, alias Aguirre Schwarz, présente actuellement au château de Vincennes, montre combien le street artiste et le plasticien se confondent, et nourrissent une œuvre pleine de rebondissements : d’un échelon à l’autre de son parcours, l’artiste au double visage nous entraîne dans une spirale vertigineuse de causes à effets.
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L’échelle de Zevs
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°696 du 1 décembre 2016, avec le titre suivant : L’échelle de Zevs