Installé dans une favela, le « Projeto Morrinho » sera bientôt exposé dans le futur musée d’art de Rio de Janeiro.
RIO DE JANEIRO - Ils furent les vedettes de la 52e Biennale de Venise en 2007. Depuis le forum de Barcelone en 2004 jusqu’au MoMA en 2009 à New York, les jeunes artistes de la communauté du Pereirão, une favela située au-dessus du quartier cossu de Laranjeiras, à Rio de Janeiro (Brésil), ont parcouru le monde entier avec leur Projet Morrinho (« petite colline » en portugais, et par métonymie « petite favela » à Rio). Ils y ont exposé les reproductions miniatures de leur environnement dont l’architecture, la violence surmédiatisée et la topographie fascinent le monde entier.
L’aventure démarre en 1997, Cilan Oliveira a 15 ans quand il arrive à Pereirão. Pour tromper l’ennui, il reconstitue la colline qu’il a sous les yeux, avec ce qu’il a sous la main : briques, terre. Sous ces arbres immenses, la vraisemblance de l’installation est telle que les autorités, en pleine guerre des gangs, veulent la détruire, la croyant destinée à préparer les évasions pendant les opérations militaires. Les artistes se défendent, continuent de créer. En 2002, deux réalisateurs sortent le projet de l’anonymat en y tournant un documentaire à succès. Entre 2004 et 2009, c’est le conte de fées des expositions internationales, dans toute la démesure que peut offrir le marché de l’art. Démesure qui ne grise pas Cilan Oliveira, qui sait que « le vent tourne un jour » et pérennise son projet.
Aujourd’hui les demandes d’exposition sont moins nombreuses, mais toujours régulières. Surtout, l’univers Morrinho a grandi, s’est affiné autant qu’il a pris corps : productions de films, projets sociaux, expositions itinérantes et tourisme dans la favela constituent les quatre volets de son activité. Cilan Oliveira consolide la légitimité artistique du lieu : « J’aurai réussi quand les jeunes pourront, après leur expérience ici, vivre de leur art sans nous. »
Monumentale et fragile
L’installation est en évolution perpétuelle, miroir de la réalité : monumentale et en même temps fragile, à réparer après chaque pluie torrentielle. La vraie favela se densifie, s’élève, s’électrifie, s’étend, se pacifie peut-être. L’installation miniature intègre ces nouvelles infrastructures : la minutie du travail s’en trouve magnifiée ; les couleurs dominantes évoluent ; elle comporte moins de tenues militaires, davantage de commerces, de murs peints. L’effet fonctionne, l’œuvre change la perception de l’espace réel. L’anarchie se transforme en métissage heureux, en festival coloré, et l’ondulation chaotique des toits devient le miroir de la mer, située en contrebas.
Le « projet Morrinho » fête cette année ses 15 ans. La saison haute qui commence verra les touristes défiler, sur un rythme à l’échelle de ce lieu atypique, soit une cinquantaine par jour. En mars 2013, le nouveau grand Musée d’art de Rio, le « MAR », lui offrira le vernissage de son aile contemporaine, récompensant un succès pérenne. On y redécouvrira l’œuvre ou plutôt un moment d’une œuvre en perpétuel mouvement.
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Le projet Morrinho au Brésil fête ses 15 ans
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Abonnez-vous dès 1 €Projeto Morrinho, 1994, Rio de Janeiro. © Photo : Ana Santi
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°381 du 14 décembre 2012, avec le titre suivant : Le projet Morrinho au Brésil fête ses 15 ans