Il faudra encore attendre un an pour que le Centre d’art du palais de Tokyo ouvre ses portes. Son lancement, confié à Nicolas Bourriaud et à Jérôme Sans, reste conditionné aux travaux d’aménagement du bâtiment qui n’ont toujours pas débuté. En guise de préfiguration, les codirecteurs dévoileront, en février, le pilote d’une chaîne de télévision conçue par des artistes.
L’ouverture du Centre d’art du palais de Tokyo, repoussée aujourd’hui à l’automne 2001, reste conditionnée à l’avancement d’importants travaux qui devraient débuter en janvier. Le bâtiment, abandonné successivement par le Centre national de la photographie et par la Femis, se trouve actuellement dans un triste état : espaces couverts de gravats, verrières occultées par de faux plafonds, système électrique et chauffage à réinstaller complètement… Six mois de travaux, au bas mot, seront nécessaires pour la mise aux normes du bâtiment et le rendre apte à accueillir artistes et visiteurs. Cette mission a été confiée aux architectes bordelais Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal qui ont carrément installé une annexe de leur agence dans une partie du bâtiment. Comme à son habitude, le couple a prévu une intervention minimale dans la construction existante, sans rajout, transformant même en éléments constitutifs de leur programme les contraintes imposées par la sécurité, à l’image de passerelles qui viendront rejoindre l’avenue Wilson. Leur projet esthétique découle ainsi directement du lieu et de la demande des commanditaires. Pour les travaux, le projet dispose pour l’instant d’une enveloppe de 17,5 millions de francs, correspondant à un coût très raisonnable de 2 400 francs le mètre carré. À terme, le centre d’art se déploiera sur un plateau de 4 000 m2 dont 3 000 pour les expositions. Quelque 1 000 m2 “hors douane” seront de plus accessibles gratuitement au public.
Un agencement collectif d’énonciation
Parallèlement au travail sur l’espace, les deux codirecteurs du futur centre d’art ont, depuis leur nomination en juillet 1999, mis en place la structure administrative, recruté l’équipe qui devrait s’élever à une quinzaine de personnes, et esquissé le programme artistique. Ce projet –”lieu physique à construire et lieu mental à élaborer”–, les codirecteurs le définissent d’ailleurs en commun, “parce que, selon Nicolas Bourriaud, nous sommes une sorte d’agencement collectif d’énonciation, pour reprendre un terme guattarien. Nous sommes un auteur”.
Nerf de la guerre, la programmation se développera suivant un rythme à trois temps. Une approche “spontanée” permettra de réagir à l’actualité et de présenter tous les mois un jeune artiste. Des monographies et des expositions collectives se succéderont ensuite tous les deux mois. Enfin, de grandes expositions de groupe y seront accueillies tous les quatre mois. D’autres projets viendront réactiver le lieu pour ne pas qu’il s’endorme entre deux vernissages. Confirmant son rôle – défini dès l’annonce de sa création – de relais dans la capitale du réseau français des centres d’art, le palais de Tokyo accueillera des expositions produites en province. “Il est ridicule de priver le public parisien d’une exposition parce que seuls cinquante professionnels l’ont vue en région, confirme Nicolas Bourriaud. Nous ne sommes pas obsédés à être les premiers à produire les projets. Nous n’allons pas nous forcer à monter une exposition avec les mêmes artistes et des œuvres différentes si ce que l’on a vu en province ou à l’étranger est parfait.” Et Jérôme Sans d’ajouter : “Nous sommes tous les deux suspicieux face à l’héroïsation du critique ou même du commissaire d’exposition. Aujourd’hui, nous arrivons à une période d’absurdité complète où tout le monde veut avoir son projet. Comment un artiste peut-il gérer une carrière nationale ou internationale avec des projets différents avec tout le monde ? C’est impossible. Les artistes ne peuvent plus assurer une telle production.”
Ouvert de midi à minuit
Relativement flexible, l’institution devrait bénéficier d’une subvention du ministère de la Culture de 8 à 10 millions de francs par an, complétée par le soutien de sponsors. À côté des expositions, le Centre d’art du palais de Tokyo sera aussi un lieu de production de projets. Des locaux techniques, situés rue de la Manutention, seront disponibles pour les artistes. Il financera aussi un post-diplôme, le “Pavillon”, qui devrait accueillir chaque année une dizaine d’artistes internationaux et un ou deux “curateurs”. Conçu comme un hommage à feu l’Institut de Pontus Hulten, ce lieu de formation a été confié à Ange Leccia. Dominique Gonzalez-Foerster en sera la directrice des études la première année.
Les codirecteurs souhaitent également faire du palais de Tokyo un lieu de vie. Un “Concept store”, une librairie et un bar-restaurant – tous trois en concession – devront être sur la même longueur d’onde que la structure qui les hébergera, en d’autres termes, “être créatifs”. Les horaires d’ouverture du lieu – midi-minuit – seront en outre calqués sur ceux de l’industrie des loisirs. “Les gens pourront le soir se poser la question : est-ce que l’on va au cinéma ou voir une exposition ?”, insiste Nicolas Bourriaud.
Enfin, plusieurs manifestations de préfiguration – comme la présentation du pilote d’une chaîne de télévision réalisée par des artistes – permettront prochainement de se faire une idée plus précise de ce lieu dont les ambitions dépassent largement les frontières hexagonales.
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Le palais de Tokyo
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : Le palais de Tokyo