Monté en à peine huit mois, le nouveau festival arlésien s’est inscrit dans les pas des Rencontres de la photographie et a fait preuve d’une qualité et d’une maturité qui lui promettent un bel avenir.
Un Festival du dessin. L’idée est née d’une rencontre entre une maison d’édition (Les Cahiers dessinés) et une ville (Arles) ; entre un désir, celui d’exposer du dessin, et une ambition : faire d’Arles un pôle de l’image. Lorsque l’éditeur Frédéric Pajak et Vera Michalski (présidente du groupe Libella) proposent à Patrick de Carolis d’accueillir un nouveau festival dédié au dessin, le maire saisit immédiatement la balle au bond. « Arles est déjà identifiée comme la ville de l’image photographique (avec les Rencontres de la photo) et de l’image animée (grâce à la MoPA, école de cinéma d’animation 3D, et à l’implantation des studios TNPZV), explique Patrick de Carolis. Il était donc naturel d’accueillir les images dessinées. » L’édile y voit aussi l’occasion d’étendre la saison festivalière – et donc économique – de l’ancienne capitale romaine au printemps, avant l’ouverture des Rencontres d’Arles et du Festival les Suds en juillet. Si ce festival est, pour Frédéric Pajak, un pas supplémentaire dans la promotion du dessin, il est aussi un nouveau péché de gourmandise : une quarantaine d’artistes invités pour plus de 1 200 dessins répartis sur neuf sites arlésiens, de la Fondation Luma au Musée Réattu, en passant par l’Espace Van Gogh et le Palais de l’Archevêché. Et la gourmandise, cela se partage : plus de 1 500 festivaliers ont arpenté les expositions lors du week-end d’ouverture de l’événement, en avril, heureux de croiser dans la ville l’animateur Antoine de Caunes, qui a accepté de présider la première édition en souvenir de son ami Jean-Jacques Sempé, disparu en août 2022. « Il y a vingt ans, lors de la création des Cahiers dessinés, nous avions l’impression de crier dans le désert », se souvient l’éditeur, lui-même auteur et dessinateur. Un désert qui s’est rempli, en deux décennies, d’une foule de passionnés et de curieux, dont l’appétit a été fortement nourri par la multiplication des salons (Salon du dessin, Drawing Now, etc.) et des revues (Roven, Les Arts dessinés, etc.) spécialisées. Sempé, donc, faisait partie des têtes d’affiche du festival, avec une exposition hommage de plus de 130 dessins d’humour et de couvertures du New Yorker. Ceux qui pensaient l’auteur de Monsieur Lambert passé de mode ont dû céder devant les rires contagieux que ses planches intemporelles déclenchent toujours auprès du public. Des sourires qui se sont prolongés au sein de l’accrochage de la collection de l’éditrice et galeriste Martine Gossieaux, où l’on pouvait se délecter des dessins de Chaval – l’un des maîtres de Sempé –, Bosc, Reiser et Topor. Les rires se faisaient en revanche plus grinçants dans l’exposition dédiée au dessin et à la caricature de presse, notamment devant les planches originales de Vuillemin, où les nombreux repentirs nous faisaient prendre conscience du travail fourni par le dessinateur de Charlie Hebdo pour atteindre ce fragile équilibre entre humour et férocité. Parmi les autres expositions incontournables, citons « Les Têtes de Victor Hugo » (une quarantaine d’encres prêtées pas la BnF), les dessins d’Art brut d’Aloïse et de Bascoulard, ainsi que la passionnante exposition de la collection de la Fondation Moleskine. Partenaire du festival, celle-ci présentait dans une église une soixantaine de carnets de sa collection, véritables terrains de jeu pour des artistes comme Claire Forgeot (l’une des découvertes du festival), Alioum Moussa, Hervé Di Rosa et Wozniak. Mais ce premier festival ne faisait-il pas trop la part belle aux dessinateurs réunis autour des Cahiers dessinés (Olivier O. Olivier, Anna Sommer, Micaël, Noyau, Alexandra Roussopoulos ou Alechinsky), tant la programmation s’apparentait au catalogue de la maison d’édition ? Frédéric Pajak se défend de tout népotisme et promet d’ouvrir les prochaines éditions à d’autres « familles », d’autres sensibilités, pour que le festival ne se transforme pas en simple réunion d’amis. On verra. En attendant, ne boudons pas notre plaisir et célébrons cette première fête du dessin, dont certains visiteurs juraient, devant la qualité des accrochages, qu’il ne pouvait s’agir d’une première édition. Un compliment !
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Le Festival du dessin, un coup de maîtres !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°765 du 1 juin 2023, avec le titre suivant : Le Festival du dessin, un coup de maîtres !