Carénages aérodynamiques, soutiens-gorge ergonomiques ou prothèses… Ces innovations technologiques et esthétiques accompagnent les sportifs dans leur course au podium.
« Tout au long de l’histoire du sport, le design a permis de créer des produits plus légers, plus sûrs, plus résistants et plus performants, pour les sportifs professionnels comme pour les amateurs », souligne le designer allemand Konstantin Grcic, commissaire d’une exposition au Musée du Luxembourg. L’équipement est en effet plus que jamais destiné à améliorer le confort et les résultats, et s’avère ultra-personnalisé. Le « jogbra », premier soutien-gorge de sport conçu par trois Américaines en 1977, a révolutionné la pratique des femmes en leur procurant un maintien adapté, mais aussi un look. L’industrie de la mode s’est d’ailleurs emparée de cette brassière à deux larges bretelles croisées dans le dos, après sa divulgation, en 1999, par la footballeuse américaine Brandi Chastain lors de la victoire de son équipe en finale de Coupe du monde de football. Les casques qui protègent la tête des sportifs ont de leur côté énormément évolué, tant dans leur forme que dans leur constitution, pour assurer une protection maximale. « Le rembourrage est aujourd’hui une structure conçue et imprimée en 3D, adaptée à la tête de la personne et fabriquée à partir de matériaux plus légers et encore plus protecteurs », précise Konstantin Grcic.« La présence du design dans le sport se manifeste surtout dans la conception et l’utilisation d’extensions corporelles, qui agissent comme des amplificateurs de capacité », relève-t-il. Et le designer de prendre pour exemple le piolet ergonomique Petzl utilisé en escalade ou en randonnée pour se déplacer sur une surface rocheuse et glacée, que l’on peut enrichir d’accessoires en fonction des besoins, ou encore la légendaire moto Colani-Egli MRD-1 entièrement carénée, intégrant le pilote dans une coque conçue par le designer Luigi Colani et le spécialiste du châssis Fritz Egli pour Kawasaki, passée à la postérité après avoir battu, en 1986, le record de vitesse sur dix kilomètres à 272 km/h.
Moto, voiture ou vélo : les modèles développés allient innovations, brevets et lignes racées. Depuis l’invention de son ancêtre, la draisienne, attribuée au baron allemand Karl Drais von Sauerbronn, en 1817, le vélo s’est fait de plus en plus léger, performant et résistant grâce à son cadre en aluminium, titane ou carbone. Technologie, design et ergonomie forment un trio indissociable pour le matériel et les équipements sportifs.Les marques de maillots de bain rivalisent pour rendre leurs produits les plus hydrofuges possible afin d’améliorer les performances en natation. En novembre dernier, la marque Speedo, en présentant ce qu’elle désigne comme « les maillots de bain les plus rapides du monde », a relancé le débat sur le dopage technologique à quelques mois des Jeux olympiques de Paris. La marque australienne avait créé, en 2008, la polémique avec son maillot de bain LZR Racer, une combinaison intégrale mise au point avec des experts de la Nasa, la styliste Rei Kawakubo de Comme des Garçons et la manufacture italienne Mectex. Son utilisation lors des Jeux de Pékin en 2008 avait conduit à de nombreuses médailles et des records battus, avant qu’elle ne soit interdite par la Fédération internationale de natation à l’instar des combinaisons développées par Arena et Typ Sport, rivaux de Speedo.L’évolution des technologies entraîne une amélioration des matériaux, et en crée de nouveaux, en particulier en ce qui concerne les prothèses. Le Moto Knee et le Versa Foot permettent ainsi aux professionnels ou amateurs en situation de handicap de pratiquer des activités sportives. Cette jambe et ce pied prothétiques ont été mis au point par Mike Schultz, un pilote professionnel de motoneige amputé au-dessus du genou à la suite d’une blessure lors d’une course. Ils lui ont permis d’être médaillé d’or et d’argent aux Jeux paralympiques d’hiver 2018 en snowboard. Depuis, sa société BioDapt les commercialise.« Le rôle que peut jouer le design dans le sport ne se limite pas qu’à la forme, l’aspect ou au toucher de l’équipement. L’expérience vécue par le spectateur dans un stade, une salle de sport ou devant son écran de télévision est elle-même soigneusement pensée, de l’aspect et la convivialité du stade au placement des caméras et des écrans de diffusion », note aussi Konstantin Grcic.
Les nouveaux stades construits dans le cadre des Jeux olympiques ou des Coupes du monde de football sont spectaculaires et hautement technologiques. En un siècle, ce type d’architecture a connu une véritable métamorphose, tant dans ses formes que dans ses utilisations, au fur et à mesure que le sport s’est affirmé comme un spectacle. Le stade s’est en effet transformé en une scène multi-usage, et surtout en enjeu stratégique d’image et de communication pour un pays et une ville, ainsi qu’en élément de développement urbain. Pour la Coupe du monde de football en 2022, le Qatar s’est ainsi accordé les services de quelques grands noms de l’architecture, de Norman Foster à Zaha Hadid. Le seul stade construit pour les jeux Olympiques de Paris en 2024, l’Adidas Arena à la porte de la Chapelle, se distingue par sa toiture végétalisée, la récupération des eaux de pluie et ses sièges en plastique 100 % recyclés. Au sous-sol, une usine de production de froid rafraîchit l’enceinte sportive et ses deux gymnases. Quant à la Temporary Autonomous Zone du Français Didier Faustino, présentée en 2004 à Art Basel, elle offre une infrastructure futuriste, modulaire et mobile, prête à s’adapter n’importe où.Tout aussi manifeste de la présence du design dans le sport est l’évolution du revêtement des sols, en particulier celui des terrains de basket qui accompagne l’essor de ces derniers dans les villes. Ainsi, le designer Dararith Pach a créé, dans le cadre des JO, trois nouveaux terrains dans le 19e arrondissement de Paris. Il s’est inspiré des aplats de peinture géométriques de Piet Mondrian, qu’il a combinés aux couleurs de la capitale française, le bleu et le rouge.La relation du design et du sport connaît, avec l’intelligence artificielle, d’autres types de développements qui en sont encore au stade du balbutiement. En 2019, l’agence londonienne Akqa a créé le jeu Speedgate – le premier sport inventé par une intelligence artificielle. À partir de 400 données de sports existants, ce jeu confronte deux équipes de six joueurs sur un terrain avec des règles spécifiques et un ballon à la forme proche de celui du rugby. Un premier pas vers d’autres créations de ce type, que le Comité international olympique fera figurer dans le programme des JO.
Konstantin Grcic, designer et sportif
Parmi les pièces de ce créateur allemand multi-récompensé : la lampe baladeuse May Day ou la chaise Chair One à l’assise empruntant à sa forme géométrique à celle d’un ballon de football. Depuis l’enfance, les équipements sportifs intéressent ce passionné de ski, de foot et de voile. Grcic a travaillé avec le navigateur britannique Alex Thomson sur son voilier de course pour le Vendée Globe. En 2022, la proposition qui lui est faite de concevoir une exposition n’est pas une première pour le designer. Il a ainsi été commissaire et scénographe des expositions « L’immaginazione al potere » au Maxxi à Rome et de « Deutsches Design 1949-1989 » au Vitra Design Museum en Allemagne. Au musée du Luxembourg, la thématique « design et sport » est abordée par Konstantin Grcic sous l’angle de la technologie et du numérique. Les différents aspects de l’évolution actuelle des matériels sportifs apparaissent à travers des pièces emblématiques, prototypes, dessins, films ou applications interactives. L’exposition s’intéresse aussi au rôle des données d’enregistrement des performances comme outils de développement des équipements, eux-mêmes objets de compétition entre les industriels de ce marché en expansion constante.
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Le design au service de l’athlète
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°774 du 1 avril 2024, avec le titre suivant : Le design au service de l’athlète