Banlieue

Le 116, nouvelle adresse de l’art contemporain

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 26 février 2014 - 735 mots

Baptisé le 116, le nouveau centre de création réalisé à Montreuil par l’architecte Bernard Desmoulin, associe un pavillon bourgeois à une extension tout en longueur recouverte d’écailles d’acier rouillé.

Montreuil - (Seine-Saint-Denis) est une banlieue ordinaire de la périphérie de Paris. Ou presque. Réunissant cinq théâtres, elle a la réputation d’être une ville d’artistes avec un taux de 10 % de sa population travaillant dans le secteur culturel. Les ateliers de création y sont nombreux et ces derniers sont ouverts au public une fois l’an. Avec l’ouverture du 116 en octobre 2013, mélangeant des artistes locaux et internationaux, ce creuset artistique pourra saisir ses chances d’être valorisé.
C’est au numéro 116 de l’hétéroclite rue de Paris, l’artère principale de la ville, que s’est installé le centre d’art dont le programme d’exposition et de résidence est réparti dans un nouvel édifice accolé à un ancien pavillon bourgeois de la fin du XIXe siècle. « Bien qu’étant sans grande qualité, il était important que la ville conserve cette demeure de notables qui était devenue un squat et qui est un témoignage de l’histoire de la ville, victime d’une urbanisation irrespectueuse », explique Bernard Desmoulin auteur du projet. Lauréat de l’Équerre d’argent en 2009, ce discret chevalier des Arts et des Lettres compte parmi nos brillants créateurs français. Faire corps avec des sites historiques est un exercice dont il a la juste maîtrise, comme il l’a montré par exemple avec le pôle de restauration de l’École nationale supérieure des arts et métiers (Ensam) de l’abbaye de Cluny en 2009. Dans un an, il livrera l’aménagement du Grand Commun du château de Versailles.

Un étroit wagon de métal
À Montreuil, le programme était simple : réhabiliter les 600 m2 de l’ancienne maison et construire une extension de 100 m2 pour laquelle l’architecte avait entière carte blanche : « Mettez - vous où vous voulez » stipulait le concours. Quoi de pire que cette entière liberté, les contraintes, notamment celles d’implantation, étant pour les concepteurs un cadre de base favorable à l’émergence d’idées motrices. « Nous nous sommes mis à l’angle le plus visible de la parcelle, sans masquer le bâtiment d’origine, et nous avons cherché à nous distinguer en jouant le même jeu que l’art contemporain. Ce bâtiment n’est pas gracieux en soi, il est à la limite du beau et du laid », explique Bernard Desmoulin. Avec sa carapace d’écailles en acier rouillé, sans ouvertures directes sur la rue, ses proportions étirées aux extrêmes (une largeur minimum et la plus grande hauteur possible) l’insolite volume semble un sous-marin échoué. « C’est un bâtiment cimaise, la largeur n’est même pas celle d’un wagon », souligne l’architecte. À l’intérieur, les 250 m2 d’exposition se répartissent au rez-de-chaussée des deux bâtisses : dans l’ancienne, les éléments de décors de sa vie précédente ont été conservés (parquets, plafonds à caissons, sols en mosaïques) lorsque leur état le rendait possible et de simples cimaises ont été plaquées sur les murs. En contraste, la nouvelle salle offre avec ses sept mètres de hauteur un espace d’exposition capable d’accueillir tous les types de supports et de formats. Outre ses capacités d’accrochages, le lieu répond parfaitement à son programme en présentant avant tout une qualité remarquable d’ambiances lumineuses : une large ouverture cadre l’extérieur au nord côté jardin, tandis qu’en hauteur, deux bandes horizontales vitrées, découpées dans le faîtage du bâti, là où il se déhanche vers la rue, ricochent dans une ligne de miroir au plafond. Cette installation, telle un périscope, renvoie l’image de la rue aux visiteurs.

S’il semble devenir l’usage pour une ville de se doter d’un lieu d’art contemporain, comme en témoignent La Galerie à Noisy-le-Sec, le MAC/VAL à Vitry-sur-Seine et le Cube à Issy-les-Moulineaux, le 116 se distingue par son implication auprès des habitants. Au-delà des trois expositions annuelles, deux groupes de recherche et de réflexion collective (le Quartier général et l’Université silencieuse) transforment le lieu en espace public permanent. Depuis son ouverture, les réactions du grand public, hostiles ou favorables, sont nombreuses. Des visiteurs ont critiqué sa couleur, d’autres ont qualifié le lieu de « mini Bilbao ». La comparaison est bien entendu flatteuse, bien que les deux institutions soient à tous points de vues, totalement opposées. Sans conteste le « 116 » décentralise le regard artistique sur la banlieue. Et à la différence de l’institution espagnole, le lieu peut s’enorgueillir d’échapper à toute forme d’exploitation commerciale et d’élitisme à la parisienne.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : Ville de Montreuil
Maître d’œuvre : Bernard Desmoulin avec l’assistance de Christian Dagand
Surperficie : 700 m2 SHON
Coût : 1,8 million d’euros
Concours : 2010
Livraison : octobre 2013

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Le 116, nouvelle adresse de l’art contemporain

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque