PARIS
Deux ans à peine après son inauguration, le centre culturel voulu par Bertrand Delanoë, le 104, fait l’objet de vives critiques concernant aussi bien sa gestion que son manque d’ouverture. Privé de direction depuis la fin 2009, l’établissement a fait l’objet d’un rapport confidentiel soulignant les défaillances de la Ville de Paris.
PARIS - Rien ne va plus au CentQuatre. Projet culturel phare de la première mandature de Bertrand Delanoë, l’établissement parisien situé au 104, rue d’Aubervilliers, dans le 19e arrondissement, attend depuis la fin de l’année 2009 un nouveau directeur dans un climat pour le moins tendu. En novembre dernier, Robert Cantarella et Frédéric Fisbach claquaient la porte des anciennes pompes funèbres transformées en lieu de résidence pour artistes et auteurs, un an seulement après l’ouverture de l’institution. Ils renonçaient à briguer un second mandat après que la Ville de Paris eut refusé une rallonge de 2 millions d’euros à leur subvention annuelle – celle-ci s’élève à 8 millions d’euros sur un budget global de 12 millions.
Une enveloppe que beaucoup jugent excessive au regard des autres lieux culturels et musées parisiens, mais qui n’a pas permis au 104 de se montrer à la hauteur de ses ambitions. Peu fréquenté par le public, le lieu est l’objet de nombreuses critiques. On lui reproche principalement d’être trop élitiste et peu ouvert sur l’extérieur. Par ailleurs, son statut ambigu, celui d’EPCC (établissement public de coopération culturelle), l’oblige à louer ses espaces dans une logique de rentabilité, souvent au détriment de sa programmation artistique. Le lieu se trouve parfois entièrement fermé au public lorsque ses espaces sont commercialisés.
Un bâtiment inachevé
Les grandes lignes d’un rapport confidentiel, remis à la municipalité le 21 octobre 2009 par l’ancien directeur financier du 104, Gérard Deniaux, et révélé par Le Monde daté du 22 avril, ont fait l’effet d’une bombe. Ce document de 8 pages souligne les défaillances de la Ville de Paris, accusée d’avoir livré un bâtiment inachevé, obligeant le 104 à « contracter un emprunt de 2,1 millions d’euros ». Il pointe du doigt la mauvaise gestion du lieu, avec un niveau d’endettement qui pourrait, pour 2009, s’élever à plus de 3,25 millions d’euros ; un usage du contrat à durée déterminée pour ses salariés en contradiction avec la réglementation ; et une volonté de « surprotéger » l’espace, avec des vigiles placés tous azimuts, qui a fait fuir les riverains.
En conclusion, Gérard Deniaux réclame l’augmentation de l’enveloppe allouée au 104. La réponse de Christophe Girard, maire adjoint chargé de la culture à la Mairie de Paris, ne s’est pas fait attendre. Il a, dès le lendemain, dénoncé publiquement une « cabale » menée contre le 104, s’étonnant « qu’un document qui n’a aucune valeur professionnelle, ni officielle ni juridique, soit diffusé dans tout Paris ».
Le fondateur et directeur de la revue Mouvement, Jean-Marc Adolphe, animateur d’un collectif à l’intitulé éloquent, « Un autre 104 est possible », a eu accès à ce rapport en mars. S’il est clair pour lui que le rapport de Gérard Deniaux (sur la foi duquel devaient s’appuyer les deux anciens directeurs pour obtenir les 2 millions supplémentaires qu’ils réclamaient) « ne dit sans doute pas toute la vérité, il y a hélas du vrai dans ses propos ».
Avec une petite centaine d’artistes et intellectuels, Jean-Marc Adolphe s’est invité dans le débat pour participer à l’élaboration du futur CentQuatre dont le nouveau directeur devrait être nommé dans les prochaines semaines. Le collectif redoute des « impératifs gestionnaires qui risqueraient de guider le choix de la prochaine direction ». Si la Ville de Paris a annoncé qu’une « short list » de candidats serait bientôt communiquée, selon Jean-Marc Adolphe, les jeux sont faits : Laurent Dreano, chef du pôle culture et manifestations festives à la Ville de Lille, aurait les faveurs de l’Hôtel de Ville.
Les Verts sont eux aussi montés au créneau pour demander à la municipalité de « ne pas s’obstiner dans un projet mal engagé », précisant, non sans bon sens : « nommer une nouvelle direction sans une refonte profonde du projet, ce serait s’obstiner dans l’erreur ».
Pour l’heure, le CentQuatre fait l’objet d’un audit, « indépendant » précise Christophe Girard, commandé à l’Inspection générale de la Ville de Paris en décembre 2009 et dont les conclusions doivent être remises en juin. Le nouveau maître des lieux devra prendre en compte les recommandations des deux inspecteurs, qui ont déjà annoncé « des dysfonctionnements graves en matière de gestion administrative, financière et sociale », comme l’a rapporté Christophe Girard.
Il devra surtout convaincre des artistes, milieux associatifs et riverains dépités par les atermoiements de ce vaste espace de 39 000 m2 qui a englouti pas moins de 100 millions d’euros avant même son ouverture. Le positionnement du 104 est encore trop flou.
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Le 104 en pleine tourmente
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°324 du 30 avril 2010, avec le titre suivant : Le 104 en pleine tourmente