ANTIBES
La Fondation Hartung-Bergman devait signer, le 25 avril, une convention avec la Ville d’Antibes, où les deux artistes s’étaient installés en 1972, pour la création d’un "Espace Hartung-Bergman" dans une extension du Musée Picasso. Cet espace devrait ouvrir ses portes d’ici 1998 et pourrait être situé dans un ancien chantier naval, à proximité du port de plaisance.
ANTIBES - Le projet de création d’une extension du Musée Picasso comprenant un "Espace Hartung-Bergman", – voté à l’unanimité moins deux abstentions par le conseil municipal de la Ville d’Antibes – devait être signé le 25 avril par la municipalité et la Fondation Hartung-Bergman.
"Il ne s’agit pour l’instant que d’un projet-programme, qui admet comme principe une donation et une dation en faveur du Musée Picasso, à charge pour la Ville de rechercher et d’aménager un espace pour exposer les œuvres d’Hartung et de Bergman, précise Jean Léonetti, conseiller délégué aux musées et président de la direction des Affaires culturelles de la Ville d’Antibes. Cette création devra avoir lieu dans un délai de deux ans, avec un sursis de dix-huit mois."
La Ville souhaite profiter de l’occasion pour créer une promenade le long des remparts et envisage en conséquence d’aménager l’Espace Hartung-Bergman dans un chantier naval situé près du port de plaisance, à l’extrémité des remparts. Ainsi, un parcours de 2 km mènerait du bastion Saint-André, qui abrite le Musée archéologique, à l’Espace Hartung-Bergman, en passant par le Musée Picasso, installé dans le château Grimaldi.
L’ensemble du projet, évalué à 25 millions de francs par les architectes de la Ville, serait susceptible de recueillir 40 % de subventions du ministère de la Culture. À double titre : pour l’aménagement muséal bien sûr, mais aussi pour la restauration des remparts, classés monuments historiques. "Un concours d’architectes pourrait être lancé dès que les subventions auront été accordées", selon Jean Léonetti.
La perspective d’un tel programme lève une hypothèque sur l’avenir de la Fondation Hartung-Bergman, créée le 16 février 1994, plus de quatre ans après la mort d’Hartung. L’important patrimoine légué par Hartung et Bergman – plus de 47 000 numéros ont été recensés à ce jour et sont conservés dans leur propriété antiboise – a été à l’origine de divergences entre certains membres du conseil d’administration de la Fondation Hartung-Bergman.
"Ne dramatisons pas, nous avions affaire à une succession énorme et tout s’est finalement bien dénoué", souligne François Hers, directeur de la Fondation Hartung-Bergman et directeur de la Culture à la Fondation de France. Selon lui, "le patrimoine est aujourd’hui totalement maîtrisé. La Fondation Hartung-Bergman possède un capital côté en Bourse, et elle est autorisée à vendre un certain nombre d’œuvres."
Le nombre considérable d’œuvres inventoriées s’explique par le fait que l’artiste a très tôt envisagé de créer une fondation. Selon François Hers, "il y a des œuvres très importantes qu’Hartung a préféré garder, alors qu’il aurait mieux valu pour lui qu’il les vende : pour sa cote, pour la connaissance de son œuvre, pour sa diffusion… Hartung a souffert de préjugés qu’il a lui-même entretenus. On a une vision limitée de son œuvre alors qu’il a exploré beaucoup plus de pistes qu’on ne le pense.
" Une production pléthorique, qui est à l’origine d’une négociation entre la Fondation Hartung-Bergman et les trois intervenants chargés de la gestion de la succession – l’administrateur judiciaire, le notaire et le commissaire-priseur –, dont les émoluments avaient été calculés à la valeur du patrimoine à la mort de l’artiste. "Hartung est mort en 1989, à une époque où sa cote était au plus haut. Le patrimoine de la succession était estimé à 2,7 milliards de francs, alors qu’il est évalué à 1 milliard aujourd’hui. De plus, il s’agit d’une valeur totalement fictive : le marché ne peut en aucune manière absorber une telle masse.
Les négociations ont permis d’aboutir aujourd’hui à un accord, et les trois intervenants ont accepté de percevoir des émoluments revus à la baisse." Daniel Abadie, membre fondateur de la Fondation Hartung-Bergman et actuel conservateur de la Galerie nationale du Jeu de Paume, regrette pour sa part de n’avoir pas été entendu plus tôt, lui qui a "contesté en permanence les estimations trop élevées de la succession".
Aujourd’hui, François Hers réaffirme sa confiance : "Nous disposons de vrais moyens d’action et l’avenir s’annonce bien. C’est une très bonne opération pour tout le monde : pour la Fondation, pour la municipalité et pour le Musée Picasso". Et malgré les vicissitudes qu’a rencontrées la succession Hartung-Bergman, François Hers ne craint pas d’encourager les artistes qui désirent créer une fondation "à s’adresser à la Fondation de France. Celle-ci aurait sans doute su éviter des dérives du type de celles qui ont affecté la Fondation Vasarely ou l’Association Bourdon…".
Les négociations entre Hartung et la Ville d’Antibes s’étaient à l’origine orientées vers la création d’un musée monographique. Mais après la mort de l’artiste, en 1989, sous l’impulsion de la Fondation de France, instituée légataire universel, le projet a pris une orientation différente que résume Maurice Fréchuret, conservateur du Musée Picasso : "Nous préférons situer Hartung dans un circuit vivant." La création d’une extension du Musée Picasso dans un ancien chantier naval d’environ 1 000 m2, situé près du port de plaisance, permettra de scinder les collections du musée en deux parties. Les œuvres "historiques" d’Hartung, celles antérieures aux années soixante, resteront au château Grimaldi alors que l’art depuis les années soixante prendra place autour de l’œuvre d’Hartung et de sa femme, décédée en 1987.
La donation au Musée Picasso se compose, pour Hans Hartung, de 2 toiles de moyen format d’avant 1950 et de 5 toiles de grand format de 1976 à 1989 (période "Antibes"), d’une valeur de 2,5 millions de francs ; 10 dessins de 1932 à 1940 ; 4 pastels de 1950 ; 27 encres de 1950 (petits formats) et 7 pastels de 1974 à 1983. Pour Anna-Eva Bergman, la donation comprend 12 toiles et 50 œuvres sur papier, d’une valeur de 1,4 millions de francs. Le dépôt se compose de 9 toiles et de 33 œuvres sur papier de Hartung, et de 10 toiles et 12 œuvres sur papier d’Anna-Eva Bergman. Une partie de la collection privée d’Hartung (Gonzalez, Soulages, Magnelli…) devrait également faire l’objet d’un prêt temporaire au Musée Picasso. En outre, un certain nombre d’œuvres conservées dans la propriété d’Hartung à Antibes pourraient être prêtées au Musée Picasso, par exemple à l’occasion d’expositions temporaires.
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La Fondation Hartung s’expose enfin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : La Fondation Hartung s’expose enfin