L’extension de l’école d’architecture de Strasbourg dessinée par Marc Mimram projette les étudiants dans la ville, à travers un empilement de trois boîtes.
Strasbourg - Strasbourg est une ville symbolique. Dès 1949, elle se voyait attribuer les premières institutions européennes, tel que le Conseil de l’Europe. Quelques décennies plus tard, elle en représente la capitale en accueillant, entre autres, le Parlement européen ou encore la Cour européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, avec l’urbanisation de l’axe reliant Strasbourg à Kehl en Allemagne, cette ville frontière située sur la rive nord du Rhin porte l’idée visionnaire d’une métropole binationale qui réunirait près d’un million d’habitants. C’est dans ce cadre que le nom de Marc Mimram est devenu familier : en effet, en 2004, l’architecte ingénieur livre la passerelle piétonne des Deux-Rives. Située dans un parc transfrontalier de 55 hectares, celle-ci trace un trait d’union tangible entre les deux berges du Rhin, entre Français et Allemands. C’est plus au nord, dans un quartier industrieux, semé de bâtisses caractéristiques de l’urbanisme wilhelmien héritées de l’Alsace-Lorraine annexée, que l’architecte a bâti son deuxième projet strasbourgeois. Il s’agit de la restructuration et de l’extension de l’école d’architecture de Strasbourg (ENSAS) remportée à l’issue d’un concours (1) lancé en 2011 : « La figure d’architecte-ingénieur de Marc Mimram marquant le positionnement de l’école hors du strict champ des beaux-arts a été un élément important lors du jury », explique Philippe Bach, son directeur qui précise « L’effectif des étudiants n’augmentera pas, l’enjeu du projet est de se mettre en état d’être comparé aux standards européens en termes d’espace par étudiant ». Une question majeure à Strasbourg dont la position transfrontalière apporte à l’école une vocation par définition internationale. Installé depuis 1987 dans un ancien garage des années 1950 reconverti par les architectes locaux Guy Clapot et Michel Moretti, l’établissement bénéficie d’une situation exceptionnelle en pleine ville, sur le boulevard Wilson rejoignant la gare centrale, depuis le ventre repu en verre bombé de laquelle on aperçoit le nouveau bâtiment. À l’angle du boulevard et d’une petite rue, face à l’école d’origine, la démolition de deux bâtisses a permis à l’extension de prendre place malgré de stricts règlements d’alignements.
De grands plateaux libres de point porteur
La construction se présente comme l’empilement de guingois de trois boîtes de deux étages chacune. Ces volumes, abritant les salles d’enseignement, en surmontent un quatrième en rez-de-chaussée. Ce dernier, totalement transparent comprend les activités publiques de l’école tels que la cafétéria, la salle d’exposition et l’accueil. L’ensemble étonne et pose d’emblée la question de la superposition de trois structures différentes décalées, reposant sur un vide en rez-de-chaussée ouvert sur la ville. Ce qui pourrait apparaître comme un simple jeu de construction n’est en rien formel, bien au contraire, il s’agit d’un agencement précis où sont exploitées au maximum les règles de prospect dans un équilibre stabilisé. Au centre, une faille de circulation tout en hauteur, articule le projet dans toutes ses dimensions et se poursuit par une passerelle qui enjambe la rue pour lier les deux bâtiments, l’ancien et le nouveau. Le système constructif mis au point par Marc Mimram est un assemblage hybride associant des poutres de type Vierendeel et d’autres dites en treillis qui autorisent de grands plateaux libres de tout point porteur. Ce métissage structurel est pour le concepteur l’avenir des structures dans le sens où, ici, l’architecte a déterminé les cadrages et les ouvertures, la structure s’y est ensuite adaptée. « Ce qui pourrait apparaître comme irrationnel est en fait une nouvelle forme de rationalité. La structure faisant office de façade devient une vêture et tout est très justement calculé », ajoute l’architecte. Dans chacune des salles vitrées en hauteur et où les matériaux sont laissés bruts, de grands cadrages projettent les étudiants vers la ville, tandis que les autres parties de l’enveloppe de verre sont tamisées extérieurement par une résille de métal souplement plissée tel un voile de tissu.
Les ateliers ne sont donc pas de simples boîtes en verre : l’assemblage des structures et des matières multiplie les niveaux de lecture. Transparences et opacités filtrent la perception de la ville tout en mettant l’accent sur la matérialité en lien avec la lumière. « Cette relation entre structure et lumière est très fondatrice de l’architecture », souligne l’architecte. À travers sa réponse et à plusieurs titres, Marc Mimram pose la question essentielle de la dimension théorique que suppose un projet d’école d’architecture : « Il était nécessaire que le projet soit du point de vue théorique en accord avec la pédagogie, l’usage, le plaisir du lieu ». Déjà baptisé la Fabrique, c’est ce que semblent montrer étudiants et enseignants qui se sont pleinement approprié l’espace.
(1) Le concours réunissait quatre équipes d’architectes : Xaveer de Geyter ; Laurent Beaudouin, Finn Geipel et Marc Mimram.
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La Fabrique - Une école visionnaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : La Fabrique - Une école visionnaire