Le « môle Seegmuller », c’est, dans le Strasbourg de la fin du XIXe siècle, un ensemble d’entrepôts et silos où sont stockés les sucres exotiques. En 1930, tout brûle et, deux ans plus tard, de nouveaux bâtiments, tout de briques, de béton et de métal, signés Gustave Umbdenstock, voient le jour. Puis, le môle s’endort, se vide, cesse toute activité.
À l’orée des années 2000, la Communauté urbaine de Strasbourg décide de réinvestir le site et de transformer l’un des deux bâtiments en médiathèque. Un concours est organisé en 2003 que Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart remportent. Avec un certain lyrisme, ils racontent leur première rencontre avec le paysage fluvial horizontal : « Tout ici se plie à la logique du cours d’eau ; la linéarité des quais, l’étirement du môle, l’alignement des arbres. Jusqu’aux bâtiments qui se profilent d’un bout à l’autre du môle, parfaitement réglés dans leur continuité sur une parallèle aux quais, et dont les silos, tels des proues, ponctuent verticalement les extrémités. La beauté du lieu tient à cette harmonie. Petit bout de territoire miraculeusement préservé dans sa cohérence initiale, où l’exploitation industrielle qui exigeait une efficacité optimum dans la relation des bâtiments aux quais, aux chemins de grue et à la voirie a déterminé […] la rigoureuse succession rythmique des volumes. Sur cette longue langue de terre entourée d’eau, ce ne sont pas tant les bâtiments qui qualifient le lieu, que la relation des bâtiments entre eux […]. »
Avant tout, il s’agissait de doubler les capacités en surface du bâtiment en question. Passant de 60 à 139 mètres de long, de quatre à sept niveaux, Ibos et Vitart, tout en conservant la magnifique structure en béton de l’ensemble, ont greffé des additions qui semblent avoir toujours été là. Ainsi le haut silo de l’extrémité fait-il dorénavant partie de la masse globale tandis que l’intérieur, entièrement évidé, compose un étonnant puits de lumière.
Scintillement
À l’approche du môle, c’est la silhouette des deux colossales grues à portiques Paindavoine, restaurées et réinstallées par le cabinet d’architecture RPPB, qui se détache sur le ciel. Puis se dessine la proue de la médiathèque dont les parements de béton, enserrant la brique de couleur blanche, sont peints en argent : sous le soleil, l’effet mouvant et scintillant de cette teinte est saisissant. Reste, dans le vaste vaisseau, à suivre le « fil rouge » tendu à même le sol et sur les murs par les architectes ; un rouge Ferrari qui dialogue avec le gris du béton et la neutralité brillante de la résine. Dialogue encore avec la signalétique créée par Ruedi Baur qui navigue entre le lisible et l’illisible, l’évoqué et l’affirmé, dans une relation dialectique subtile entre l’édifice et sa fonction de médiathèque. Dialogue toujours dans la confrontation entre les « cicatrices » d’un bâtiment industriel qui a vécu et un mobilier signé Aarnio, Eames, Jacobsen, Pesce, Santachiara, Van Seeveren et… Ibos et Vitart.
La médiathèque André-Malraux existe aujourd’hui, avec ses bibliothèques et ses réserves, ses espaces de lecture et sa salle de conférence (120 places), son accueil « cathédrale » et sa cafétéria, le tout sur 18 000 m2 (pour un montant de 36,7 millions d’euros HT). L’ensemble est pris entre deux longues façades vitrées, au nord et au sud, sorte de deuxième peau qui laisse pénétrer la lumière.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°289 du 17 octobre 2008, avec le titre suivant : Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart