PERPIGNAN
Jean-François Leroy est le fondateur de Visa pour l'image dont la 30e édition se déroule à Perpignan du 1er au 16 Septembre.
Comment avez-vous envisagé les trente ans de Visa ?
À partir du moment où notre parti pris est de raconter le monde, est-ce que le 30e anniversaire est plus important que le 29e ou le 31e ? Je ne le crois pas, bien que, symboliquement, trente ans soient une étape. Quand on se retourne sur ces trois décennies, il est vrai que nous avons été des découvreurs de plein de photographes qui ont commencé en même temps que nous et qui sont devenus des vraies stars. On est content d’avoir grandi avec Laurent Van der Stockt, Stanley Greene ou Paolo Pellegrin. Je pourrais aussi citer Édouard Elias, Rémi Ochlik ou évoquer notre rôle de redécouvreur : avec par exemple le Robert F. Kennedy’s Funeral Train de Paul Fusco [au programme des Rencontres d’Arles 2018, NDLR].
Quels sont vos critères de choix ?
Mon mauvais goût. On le dit car nous pensons ne pas nous être vraiment trompés dans nos choix en trente ans. Cette année, nous avons notamment deux expositions sur les Rohingyas, l’une de Paula Bronstein, l’autre de Kevin Frayer. Après, il y a des sujets d’actualité que nous décidons de ne pas montrer, comme les événements en Catalogne, faute d’histoires à montrer. Ce qui n’est pas sans provoquer des critiques. Lors des dix ans de Visa, un journal a écrit que nous étions le poil à gratter de la presse. J’aime beaucoup cette définition.
Comment expliquez-vous que ce type de festival n’existe pas aux États-Unis?
C’est très simple : le public américain n’est pas prêt. Toutes les tentatives ont échoué. « Look3 », créé en 2006 à Charlottesville [en Virginie], s’est arrêté cette année.
Quel est le journal qui vous semble le plus respectueux vis-à-vis du reportage ?
Pour les hot news, le New York Times ou le Washington Post commencent à bouger. Pour des sujets de fond, c’est le National Geographic sans qui Andrea Bruce n’aurait jamais pu produire son reportage sur la défécation en plein air à travers le monde et ses conséquences. Stéphanie Sinclair n’aurait pas pu davantage mener jusqu’au bout son sujet sur les mariages forcés s’il n’y avait pas eu le New York Times Magazine et le National Geographic.
Vous ne citez que des titres américains, est-ce à dire qu’en Europe il n’y a pas d’équivalent ?
Paris Match, Le Figaro Magazine ou Géo France produisent encore, mais moins qu’avant et sur des temps plus courts, à part quelques exceptions. Le Monde a ainsi été le seul journal à l’international à avoir soutenu un photographe, Laurent Van der Stockt, pendant plus de huit mois. Les pages et les budgets rétrécissent mais pas quand il s’agit d’acheter en exclusivité la photographie de Kate Middleton et de son bébé.
Le peu de place accordé au reportage dans la presse est-il irrémédiable ?
Non. Le Washington Post en est la preuve depuis son rachat par Jeff Bezos. J’ai été le premier à ricaner lorsque le patron d’Amazon a racheté le titre, il n’empêche qu’il est le seul à avoir recruté cinquante personnes et à avoir étoffé son service photo. Il a compris que la force d’un journal d’information est son contenu.
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Jean-François Leroy : « Visa pour l’image est le poil à gratter de la presse »
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Abonnez-vous dès 1 €C'est le budget 2018 du festival financé à parts égales par le public et le privé.
Visa d'or Paris Match News en 2017 pour sa couverture de la bataille de Moussoul, prix doté de 8 000 €.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : Jean-François Leroy : « Visa pour l’image est le poil à gratter de la presse »