Inventaire avant Fondation

 BARCELONE - Many Coloured Objects Placed Side By Side To Form A Row Of Many Colored Objects (« Plusieurs objets colorés placés l’un à côté de l’autre pour former une rangée de plusieurs objets colorés »). Cette pièce de Lawrence Weiner accueille le visiteur sur le parvis du Musée d’art contemporain (Macba) de Barcelone, en Espagne, contrepoint poétique au mastodonte brutal de sa blancheur construit par l’architecte américain Richard Meier. Cette œuvre de Weiner qui avait donné son titre à la présentation de la Collection Herbert à Luxembourg en 2000, ouvre également le débat que lancent aujourd’hui les collectionneurs de Gand, en Belgique, sur les rapports entre public et privé (lire l’entretien ci-contre). Dans l’entrée du musée, le programme de vidéos proposé par Franz West brouille les pistes, avant que le visiteur ne perde ses repères dans la mise en abyme proposée par la pièce de Dan Graham Public Space/Two Audiences (Espace public/Deux Publics), qui donne son titre à l’exposition. Les deux œuvres monumentales qui suivent, signées Sol LeWitt et Donald Judd, suffisent à faire comprendre au visiteur qu’il est en train de découvrir l’une des plus importantes collections privées d’art contemporain en Europe.
Constituée depuis le début des années 1970, la Collection d’Annick et Anton Herbert a été bâtie autour des grands noms de l’art minimal et conceptuel : Judd donc, mais aussi Carl Andre, Art & Language, Stanley Brown, On Kawara, Joseph Kosuth ou Daniel Buren et Niele Toroni. Elle a été poursuivie avec un important ensemble d’œuvres de l’Arte povera, avec Mario Merz, Luciano Fabro, Giovanni Anselmo ou Giulio Paolini. Deux étages du musée ne suffisent pas à réunir la totalité de cet ensemble exceptionnel. La sélection ici présentée par le directeur du Macba, Manuel J. Borja-Villel, en accord avec Anton Herbert, joue sur des rapprochements et des dialogues, comme ceux qu’entretiennent dans une salle les créations de Bruce Nauman et de Gerhard Richter. Reste que les espaces grandiloquents et morcelés du musée peinent à rendre pleinement justice à une collection subtile, et dont les pièces auraient souvent mérité plus d’intimité.

Public/Privé
Depuis 1997, les collectionneurs ont opéré ce que d’aucuns considèrent au mieux comme un virage à 180° en réunissant des ensembles de Mike Kelley, Franz West, ou Kippenberger, bien avant l’engouement que ce dernier suscite aujourd’hui. Esquissé à Luxembourg, ce pan de la Collection respire pleinement à Barcelone, avec un vaste espace où est venue s’incruster avec un bonheur inattendu la Cariatide à la pierre de Didier Vermeiren. Dans la même salle sont aussi présentées des œuvres récentes de John Baldessari, l’un des derniers artistes à avoir été intégré à la Collection. Mais les créations de celui qui a été le professeur de Mike Kelley à Los Angeles forment, pour Anton Herbert, un écho bienvenu, sur la Côte ouest, au travail de Lawrence Weiner.
Tandis que clignotent sans fin les néons colorés de Sex and Death de Bruce Nauman, se poursuit dans le livre très documenté, publié à l’occasion de l’exposition, la réflexion autour de l’intérieur et de l’extérieur, du public et du privé engagée aujourd’hui par les collectionneurs.