À 82 ans et une multitude de projets aux limites de l’ art et de l’architecture à son actif, cet expert en structures gonflables est toujours aussi passionné et prolifique. Une œuvre dont la densité est mise en évidence dans l’exposition que lui consacre le Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement du Rhône de Lyon.
Lyon. Ingénieur, architecte, artiste : Hans-Walter Müller est de ces personnalités difficiles à faire rentrer dans une case. À le voir régler le montage d’un gonflable, l’œil aux aguets derrière ses lunettes rouges et l’appareil photo en bandoulière, on sent qu’il est toujours passionné. « Il ne s’arrête jamais », confirme Laurence Falzon, commissaire de l’exposition que lui consacre le Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement (CAUE) Rhône Métropole. Intitulée « La vie à l’œuvre », cette démonstration constitue une bonne entrée en matière de son univers. Elle permet de mesurer la longévité de sa carrière et la diversité de ses interventions. Une frise chronologique illustrée déroule une centaine de projets : exposition au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, atelier gonflable pour Jean Dubuffet, structure pour la Fête de l’humanité, salle molle pour une exposition Dali au Centre Pompidou, etc. L’architecte-ingénieur déclinera régulièrement son concept du gonflable en scène itinérante : pour les Jeux Olympiques d’été de 1992 à Barcelone ou pour la troupe de trapézistes Les arts sauts. Entre les collaborations pour Maurice Béjart ou Merce Cunningham et ses réalisations éphémères pour des grandes marques, l’architecte exerce en liberté, au gré des commandes. « Je ne démarche jamais, c’est trop compliqué ! », explique-t-il. Parmi ses dernières sollicitations, celle de l’architecte Julien Beller en 2016. Le concepteur du centre des migrants de Paris Nord à la Porte de la Chapelle lui a demandé de concevoir la bulle d’accueil de 900 m2.
Hans-Walter Müller est né en 1935 à Worms en Allemagne. Jeune diplômé en ingénierie et architecture de l’école polytechnique de Darmstadt en 1961, ce fils d’architecte obtient une bourse pour suivre les cours aux Beaux-arts de Paris. À cette époque, le jeune homme se passionne pour l’art cinétique. Ses recherches autour des projections d’image et de la lumière vont progressivement le conduire à s’intéresser aux gonflables. En 1967, il participe avec Nicolas Schöffer et François Morellet à l’exposition « Lumière et Mouvement », au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Il y présente des projections d’images sur des structures remplies d’air, les « Volux » (contraction de volume et lux). « Projeter sur un gonflable permet de quitter le cadre de l’écran classique. Le spectateur peut pénétrer à l’intérieur de la structure et être littéralement entouré par l’image », explique-t-il. Pour comprendre cette fascination éprouvée pour cette architecture en mouvement, deux images valent mieux qu’un long exposé. Sur l’une d’entre elles, une grosse bâche noire est ficelée sur une balance : l’église gonflable de Montigny-les-Cormeilles, une de ses premières réalisations, en 1969, pèse 39 kg toute repliée. Une seconde photo montre le volume déployé en seulement en dix minutes : elle pouvait accueillir 200 personnes. « Avec les structures gonflables, la matière est extrêmement réduite et il n’y a quasiment pas d’épaisseur : celle-ci est réduite à 1 millimètre. » Pour celui qui se rêvait en magicien à 14 ans, cette capacité à faire apparaître et disparaître l’architecture relèverait presque de la prestidigitation.
Hans-Walter Müller compare son travail à celui d’un couturier. « Je dessine des gabarits comme pour un vêtement. Je découpe ces formes dans la toile plastique et je les assemble par couture ou soudure à haute fréquence. Ensuite, c’est la pression à l’intérieur qui permet à la forme de se déployer. L’air propulsé par le ventilateur reproduit le principe de la mécanique des fluides. »
En 1971, Hans-Walter Müller s’installe avec son épouse Marie-France sur un terrain situé sur l’aérodrome de Cerny en Essonne, non loin de la Ferté-Alais. Le couple investit un sous-bois dans lequel ils vont concevoir un grand gonflable pensé comme un lieu de vie et de travail en évolution permanente. Une grande bulle jaune abrite des zones d’ateliers, des espaces de travail et de détente agencés autour de planchers en bois coulissants. Ils sont complétés d’espaces domestiques et de repos creusés dans la roche et qui donnent sur l’extérieur par des baies vitrées et des terrasses. Au fil des années, l’artiste aménage le lieu, installant des bassins remplis de plantes aquatiques et de poissons ou en construisant dans les arbres, une bulle pour ses invités. « Bien plus qu’une maison, c’est un lieu de vie et d’expérimentation, un monde à part entière », analyse Laurence Falzon. « Cette maison a passé quatre fois la garantie décennale : c’est la preuve qu’une architecture gonflable peut être pérenne », plaisante de son côté le constructeur. Malgré son goût pour la transmission, l’homme reste peu connu du grand public. « Hans-Walter n’est pas dans l’idée de se positionner ou d’évaluer son œuvre », reconnaît la commissaire. « Il fonctionne plutôt comme un inventeur. Il est vraiment motivé par l’expérimentation et l’idée qu’un nouveau projet doit lui permettre d’aller plus loin que le précédent. »
Lors d’une conférence à l’École des beaux-arts de Lyon en janvier dernier, une personne l’interroge sur une possible filiation avec les utopies architecturales des années 1960, celles des Britanniques d’Archigram ou de l’Américain Richard Buckminster Fuller. « Par rapport à ces mouvements, je suis celui qui a réalisé », assène-t-il.« Entre une bonne idée et sa réalisation, le chemin est assez complexe. » Pour Alain Charre, historien de l’architecture et auteur de L’architecture de la disparition (Édition Archibooks, 2012), Müller fait le pont entre ces rêves des années 1960 et les ambitions à venir. Jamais la question de la mobilité et de la légèreté n’a été aussi présente dans la réflexion architecturale actuelle. Lui pense déjà à la suite : il nous a donné rendez-vous en avril, pour l’inauguration de son prochain gonflable. Il s’agit d’un espace d’accueil pour les visiteurs du Cyclop de Tinguely, commandé par le Centre national des arts plastiques, au cœur de la forêt de Milly.
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Hans-Walter Müller, le souffle de l’architecte
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : Hans-Walter Müller, le souffle de l’architecte