Art contemporain

Paris-8e

Gordon Matta-Clark : découper la ville

Jeu de paume - Jusqu’au 23 septembre 2018

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 28 juin 2018 - 344 mots

PARIS

Il fallait remonter jusqu’en 1993 pour retrouver trace d’une programmation des films de Gordon Matta-Clark au Jeu de paume, l’année où le Musée d’art contemporain de Marseille consacrait une rétrospective majeure à cet artiste américain totalement atypique.

Depuis, l’artiste s’était fait sporadique à Paris. Fils du surréaliste Roberto Matta et de la peintre Anne Clark, formé à l’architecture dans la prestigieuse université Cornell (celle-là même qui exposera pour la première fois du Land Art en 1969), Gordon Matta-Clark a eu une trajectoire éclair, mourant en 1978 à l’âge de 35 ans. Moins de dix ans d’expérimentation, souvent interlope, peu exposée de son vivant, sinon dans des espaces alternatifs qui pullulent alors à New York, ont suffi à écrire la légende. La photo a joué un grand rôle dans la connaissance de ses interventions in situ dans des immeubles décatis du Bronx et de Brooklyn. Le jeune artiste y joue de la tronçonneuse, découpe, perce, ouvre les pièces, déstabilise les points de vue. C’est bien simple, certaines images donnent le tournis, comme dans Conical Intersect, réalisation parisienne conduite en 1975 pendant la construction du Centre Pompidou. Le jeune homme s’est attaqué à un bâtiment voué à la démolition, creusant une sorte de corne d’abondance dans le ventre du bâtiment. S’est joué alors pendant quelques semaines un son et lumière hallucinant visible depuis la rue du Renard sans que le public ne puisse arpenter cette archi-sculpture, les lieux n’étant plus sûrs. En une centaine d’œuvres photographiques, filmiques, graphiques, l’exposition dresse l’ADN du concept d’anarchitecture, trouvé en 1973 lors de brainstormings conduits par un groupe d’artistes, danseurs et musiciens constitué de Laurie Anderson, Tina Girouard, Suzanne Harris, Jene Highstein, Bernard Kirschenbaum, Richard Landry, Richard Nonas et bien sûr Matta-Clark. La conscience sociale de ce dernier s’est exprimée autant dans de nombreux textes critiques au sujet de l’inhumanité des standards modernistes qu’avec ces découpages le plus souvent sauvages et illégaux. D’où cette dimension rebelle qui nimbe l’œuvre fulgurante de cet artiste toujours aussi inspirant.
 

« Gordon Matta-Clark. Anarchitecte »
Jeu de paume, 1, place de la Concorde, Paris-8e, www.jeudepaume.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Gordon Matta-Clark : découper la ville

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