À Avignon, la Collection Lambert consacre une exposition à l’œuvre picturale de Francis Alÿs, qui s’est fait connaître par ses actions et performances.
AVIGNON - Artiste belge résidant au Mexique, Francis Alÿs s’est fait connaître par ses performances. Dans Re-enactments (2000), il se balade dans Mexico avec une arme chargée jusqu’à ce que la police l’intercepte. En 1999, pour Duett, il demande à deux personnes de se promener dans les rues de Venise, chacune portant une moitié d’hélicon, puis de sceller leurs retrouvailles par une courte cérémonie musicale. Faisant de la marche un processus de création, les performances d’Alÿs s’approprient la ville comme terrain d’expérimentation. Pour The Collector/Mexico, octobre 1991, l’artiste arpentait la métropole muni d’un aimant, agrégeant détritus et traces. Plus récemment, à l’occasion du déplacement des activités du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, il a parcouru la distance entre le Palais de Tokyo et le couvent des Cordeliers un pot de peinture percé à la main. Mais à Avignon, Alÿs se montre sous un jour plus casanier. Ses tableautins d’apparence naïve et soignée sont sagement disposés sur des murs repeints en rose et bleu, à l’unisson de son atelier de Mexico. Timidement académique, oscillant entre le salon et la bibliothèque, l’accrochage est éclairé par des lampes en laiton doré. L’exclusivité est donnée à la peinture. Dans le catalogue publié à cette occasion, Catherine Lampert ne peut s’empêcher de parler des « caractéristiques “belges” » d’Alÿs : « un goût pour la respectabilité, la suppression du geste et une curiosité pour les visions et les reliques ». Si l’on se réfère aux quelques photographies de Zapatistes qui traînent alentour, c’est donc Magritte au Mexique ou Tintin au Chiapas. L’exotisme, comme le tourisme, sujets récurrents du travail d’Alÿs, se décèlent dans quelques-uns de ses documents annexes ou compositions. Là, il dévoile un de ses inspirateurs : Albert Eckhout, peintre hollandais qui séjourna au Brésil de 1637 à 1644 avant de remplir les cours européennes de ses portraits d’Indiens. Hommes en costume gris ou fillettes en robe, ses personnages sont ancrés dans une intemporalité onirique et se retrouvent d’œuvres en œuvres. Flâneur de l’Histoire, Alÿs rejoue quelques mythes : Prométhée qui tient le feu, ou une caverne platonicienne dans laquelle s’est assoupi un guérillero (deux Sans titre de 2002). Francis Alÿs fait aussi son « flamand » en peignant des mouches en trompe l’œil. Montrée sur de larges tables où reposent des calques, fragments de dessins et recompositions par le biais de scotch, la gestation de ses toiles s’établit dans les essais et variantes nécessaires à la recherche de l’équation juste. « Une fois l’image résolue sur le papier, peindre devient un processus mécanique, comme un enfant colorant les cases qui forment la silhouette d’un géant... suit les contours sans avoir besoin de comprendre l’image dans sa totalité », explique Alÿs dans le catalogue. En 1994, pour le catalogue Liar, the Copy of the Liar et les expositions qui ont suivi, l’artiste a fait réaliser ses originaux par des peintres d’enseignes. La coopération a ensuite influencé sa propre manière, qui doit donc autant à l’artisanat mexicain qu’à la « ligne claire » belge. La peinture est une punition, une mise au coin (Painting and Punishment (2002), où l’artiste porte un bonnet), mais elle finit aussi en école buissonnière.
Jusqu’au 25 janvier 2004, Collection Lambert en Avignon, 5 rue Violette, 84000 Avignon, tél. 04 90 16 56 20, tlj sauf lundi 11h-18h, www.collectionlambert.com. Cat. édition Collection Lambert en Avignon, 192 p., 50 euros. ISBN 84-7506-689-5, et aussi Salla Tykkä, lire page 13.
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Francis Alÿs - Fruits de la passion
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°182 du 5 décembre 2003, avec le titre suivant : Fruits de la passion