On a l’habitude, au rayon Expérimentation, de citer invariablement les disciples du collectif néerlandais Droog Design. Il faudra désormais compter avec le Portugais Fernando Brízio, ancien diplômé des beaux-arts de Lisbonne, né en 1968 en Angola. De lui, on connaît une kyrielle d’objets désopilants : une assiette avec une aile « grignotée », un chandelier fait de 636 verres à eau, ou encore une table constituée de piles de feuilles de papier, tel un Post-it géant. Dans le même esprit, le designer a conçu Nivel, une étagère murale avec un niveau à bulle intégré, clin d’œil ironique à « cette obsession populaire pour les choses rectilignes et droites ». Moult de ses créations sont aujourd’hui éditées, comme la coupe en cristal Bowl (Atlantis), inexorablement bancale, et la carafe gondolée de la collection « Standards » (Mglass). Mais pour l’heure, Fernando Brízio poursuit ses recherches grâce à son poste à l’École d’art et de design de Caldas da Rainha [au nord de Lisbonne]. Son dernier projet, baptisé « Sound System » [système sonore], dans lequel le son intervient à la base de la création d’objets, a été dévoilé en septembre. Le principe en est simple. Le designer prononce, par exemple, le mot vase dans un micro. Sur un moniteur de contrôle, le son de sa voix est aussitôt reconverti en un spectre de fréquences. Pour Brízio, cette représentation graphique exprime aussi le profil exact de l’objet qu’il va créer, profil qu’il mettra en rotation sur lui-même pour obtenir la forme définitive dudit objet, en l’occurrence un vase. Chaque fréquence est matérialisée par un disque métallique, et l’ensemble de ces disques, empilés les uns sur les autres, produit alors un objet singulier, sorte de « trace physique » du son. Fernando Brízio a déjà réalisé des vases, en acier inoxydable, et une lampe, en aluminium. Sachant qu’un mot est rarement prononcé de manière identique, la méthode permet, à partir d’une même typologie d’objets, de réaliser une variété quasi infinie de formes.
Cette technique rappelle évidemment celle utilisée en 1999 par l’artiste Piotr Kowalski, auteur d’une sculpture de verre taillée à partir du mot passionnément dit, jadis, par feu le poète Ghérasim Luca. En revanche, la forme, elle, évoque inévitablement la collection « Amnésie » d’Andrea Branzi, créée en 1991 pour la Design Gallery, à Milan, série de vases constitués d’un assemblage de disques en aluminium ou en bois. « Dans ce travail, explique Fernando Brízio, la relation créée avec l’objet est très forte. L’objet vient de l’intérieur de mon être, puis sort littéralement par la bouche. Il y a quelque chose de magique. » Brízio joue avec la puissance sonore des mots, mais pas sans but. Les mots qu’il « pétrit » se réfèrent tous à des typologies susceptibles d’être produites industriellement. D’ailleurs, il compte bien fabriquer des friandises à partir du mot chocolat. Une expérience qu’il devine exquise : « Je dis le mot et ensuite je le mange. » De là, peut-être, les expressions « manger ses mots » ou « avoir un mot sur le bout de la langue »...
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Fernando BrÁzio
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°180 du 7 novembre 2003, avec le titre suivant : Fernando BrÁzio