L’œuvre est déjà installée, mais elle n’atteindra sa pleine maturité que lorsque l’aménagement du parc de Beauregard, à Rennes, sera terminé et que les deux bâtiments qui viendront l’enserrer dialogueront véritablement avec elle. Il n’empêche, L’Alignement du XXIe siècle d’Aurelie Nemours, qui sera officiellement inauguré le 17 juin, affirme d’emblée sa force et son mystère, à l’image d’autres alignements tels ceux de Carnac (Morbihan) ou de Stonehenge, en Angleterre. Soixante-douze piles en granit gris de Fougères s’élancent, jusqu’à 4,50 m, à la conquête du ciel. Œuvre monumentale et magistrale, s’organisant selon une disposition orthogonale sur un plan rectangulaire de 26,1 x 22,5 m,
l’ensemble opère d’étonnantes variations entre horizontalité et verticalité, d’étranges variantes entre ciel et terre.
Fracassant double retour
C’est l’architecte Odile Decq qui, la première, se confrontera à Aurelie Nemours. Avec un bâtiment tout aussi puissant et mystérieux, où domineront l’acier Inox noir bleu, la laque rouge, le béton anthracite ou lissé clair et le verre gris. Soit un massif parallélépipède monolithique, qui accueillera en 2008 les locaux et les collections du FRAC Bretagne.
Comme à son habitude, Odile Decq met là en pratique sa théorie de l’hypertension, fendant verticalement son monolithe d’un interstice ouvrant sur l’intérieur et s’enfonçant au plus profond des entrailles de la terre, quand l’alignement voisin semble jaillir de celles-ci. Échange parfait en forme de « répons », renforcé par le dialogue des couleurs de ce bâtiment avec le gris des colonnes d’Aurelie Nemours, alors que les projets ont été menés séparément.
« Se mettre constamment en recherche, explorer de nouvelles voies, contester et tenter d’aller au-delà, puis trouver le point de rupture, mettre en tension, transgresser les limites, telles sont les bases de nombreuses œuvres dans l’art contemporain. C’est aussi le reflet du travail de l’architecte », affirme Odile Decq.
La violente fracture du bâtiment, qui s’enfonce jusqu’à 8 m, distribue idéalement les différentes fonctions du lieu, au gré de coursives et de passerelles qui la contournent, l’enjambent et la donnent à voir. Sur les 3 800 m2 de l’ensemble (réalisé dans un budget de 10 millions d’euros, financés à 40 % par l’État, à 40 % par la Région et à 20 % par la Ville de Rennes), 1 000 m2 seront consacrés aux expositions, dont une galerie de 500 m2 édifiée en porte-à-faux, sans qu’aucun pilier ne la soutienne, comme flottant au-dessus du hall.
Comme au Musée d’art contemporain de Rome (Macro), qu’elle édifie actuellement, au couvent de La Tourette (Évreux, Eure) de Le Corbusier ou au Musée juif de Berlin, signé Daniel Libeskind, et qu’elle aime à citer en référence, Odile Decq s’attache ici à organiser une véritable expérimentation sensorielle, à inscrire le corps dans l’espace. Au vu de la maquette qui l’affronte à Aurelie Nemours, il est clair que les phénomènes de tension et d’hypertension qui caractérisent leur œuvre vont s’exercer à plein sur l’ancien oppidum de Beauregard. D’autant que se profile à l’horizon une ligne horizontale noire du plus bel effet, celle des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, tout juste édifiées par les architectes Ibos et Vitard.
Demeure néanmoins une inconnue. Celle de l’équipement collectif qui viendra faire pendant au FRAC d’Odile Decq par-delà l’alignement d’Aurelie Nemours, dont on souhaite qu’il soit à la hauteur de
l’ensemble. C’est en tout cas un fracassant double retour pour Odile Decq : elle n’a rien édifié en France depuis huit ans, et elle est apparue en pleine lumière ici, à Rennes, voici seize ans avec le siège de la Banque Populaire de l’Ouest (BPO). Une réalisation signée avec Benoît Cornette et que les architectes du monde entier continuent de venir visiter.
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Explorer de nouvelles voies
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°238 du 26 mai 2006, avec le titre suivant : Explorer de nouvelles voies