Tandis que Claude Lévêque expose au Musée d’art moderne et contemporain, les 50 jours pour la photographie essaiment dans la ville.
GENÈVE - Au quatrième étage du Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève, une lueur sur un mur noir fait office de veilleuse diurne. Posée par Claude Lévêque, la « signalétique » peut être lue comme un avertissement. Son titre, Stella Mala, est emprunté à une étoile dont l’apparition annonce l’Apocalypse. Dans la salle suivante, première des sept étapes agencées par l’artiste, c’est un autre astre qui se consume. Projeté sur une surface noire et réfléchissante, un feu d’artifice n’en finit pas de s’épanouir et de mourir dans un silence triste. L’œuvre, intitulée Albatros, est étonnamment muette pour qui est habitué aux déflagrations et vrombissements des installations de Lévêque. À vue de nez, l’artiste a opté ici pour un autre sens. Une odeur de goudron suinte des traverses de chemins de fer éparpillées au sol et encadrées de miroirs. Sous le titre d’Artefact, ce remake amer d’un Carl Andre suit le visiteur tout au long de sa déambulation dans des salles comme autant d’espaces colorés aux sensations basses, aériennes, terriennes ou corporelles. La Chambre de chair consiste, elle, en une salle d’attente aux murs recouverts d’imprimés chair à saucisse, Skinhead est une cellule grise carcérale et violente dont les parois de bâches noires sont tendues par des filins, tandis que pour Ondes blanches ce sont des gazes rendues fluorescentes par les néons qui prennent des allures d’anges. Des spectres qui répondent aux vapeurs spirituelles de la Fée verte, espace adjacent rempli de la couleur et de l’odeur de l’absinthe, alcool dont on rappellera qu’il porte le nom de l’étoile de Satan.
Les 50 jours pour la photographie au travail
Ne se suffisant pas de l’architecture de dépressions construite par Claude Lévêque, le Mamco propose, comme à chaque trimestre, un renouvellement substanciel de son accrochage sous la forme de onze expositions monographiques. Outre une importante rétrospective de Gérard Fromanger, ce sont les photographies de Philippe Gronon, les dessins animés de Koka Ramishvili ou encore une sélection de documentaires d’Amar Kanwar, réalisateur remarqué à la dernière Documenta de Cassel, qui sont présentés cet automne. Le musée n’a toutefois pas le monopole de l’actualité genevoise, puisque les 50 jours pour la photographie (50 JPG) de Genève animent cette saison nombre des lieux culturels de la ville sous le thème de « Représentation du travail/Travail de représentation ». Initiée l’an dernier par le Centre de photographie de la ville, la manifestation a pris de l’ampleur, notamment grâce à la place qui lui est dévolue dans la programmation du Centre d’art contemporain de Genève. Voisin direct du Mamco, l’institution accueille l’événement central. La problématique se développe ici par le biais des travaux d’une vingtaine d’artistes, dont Andreas Gursky, Pierre Huyghe, Eric Sandillon, Bruno Serralongue, Allan Sekula, Gianni Motti, Nicolas Faure ou encore Jean-Claude Wicky. Habile, l’accrochage signé par Joerg Bader, directeur du Centre de la photographie, mêle les formats, les provenances et les questionnements. Abordant le travail à partir du produit fini, de son image et de sa circulation, l’œuvre de Jean-Luc Moulène reçoit, elle, un éclairage particulier à travers une importante exposition monographique. Outre la série complète des Documents/Objets de Grève, et des Documents/Produits de Palestine, récemment exposés à Toulouse (lire le JdA n° 178, 10 octobre 2003), des documents photographiques aux résonances poétiques, le Français montre ici ses Opus, sculptures qui viennent vérifier quelques-unes des hypothèses de ses images. Ainsi de Bleu Gauloise bleues, un tas de paquets de cigarettes dont l’emballage est resté vierge, juste recouvert d’un bleu marial sans stigmates de marques.
- ORNICAR ! : CLAUDE LÉVÊQUE, ALBATROS ; ONZE EXPOSITIONS (Luc Andrié, Art & Project Bulletin, Mel Bochner, Gérard Fromanger, Philippe Gronon, Alex Hanimann, Amar Kanwar, Klara Kuchta, Koka Ramishvili, Jacques Vieille), jusqu’au 25 janvier 2004, Musée d’art moderne et contemporain de Genève, 10 rue des Grenadiers, Genève, tél. 41 22 320 61 22, tlj sauf lundi, 12h-18h, sam. et dim. 11h-18h, www.mamco.ch - 50 JOURS POUR LA PHOTOGRAPHIE À GENÈVE et JEAN-LUC MOULÈNE, jusqu’au 9 déc., Centre d’art contemporain, 10 rue des Grenadiers, Genève, tél. 41 22 329 18 42, tlj sauf lundi 11h-18h, et divers lieux, tél. 41 22 329 28 35, www.50jpg.ch
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Esprits frappeurs à Genève
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°180 du 7 novembre 2003, avec le titre suivant : Esprits frappeurs à Genève