Esprit sein

Coupe à champagne

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 10 octobre 2014 - 517 mots

Sans doute les fantasmes aiguisent-ils certains projets… Ainsi en est-il de cette coupe à champagne, dont le cahier des charges aurait pu être ainsi libellé : « Poser ses lèvres sur le sein de Kate Moss ». C’est en tout cas l’idée qu’a eue le restaurant 34, à Londres, pour rendre hommage à la fois au quarantenaire de cette icône planétaire du mannequinat et à ses 25 ans dans l’industrie de la mode.

Cet établissement branché du quartier de Mayfair propose, en effet, à ses clients, depuis le 9 octobre, de boire du champagne dans une coupe en cristal spéciale, baptisée 34 Kate Moss Coupe. Celle-ci a été dessinée par l’artiste anglaise Jane McAdam Freud, sculpteuse et fille du peintre Lucian Freud – lequel avait d’ailleurs peint un portrait de Kate Moss, nue et enceinte. La forme du verre a été obtenue à partir du moulage du sein gauche de « la brindille », comme la surnomme le milieu de la mode. Résultat : une jambe allongée et mince et un calice galbé aux courbes douces, dont la surface extérieure s’orne de fines ciselures abstraites qui, selon le restaurant, « évoque les symétries de l’Art déco ». L’objet est plutôt évoquent, n’était-ce cette fausse note que l’on repère illico sur la cuvette dudit verre, autrement dit sa base. Comme elle en a pris l’habitude dans ses collaborations avec des marques d’accessoires, Moss n’a pu s’empêcher d’y graver son prénom, Kate, accompagné d’un petit cœur un brin mièvre, touche personnelle dont elle aurait pu largement se passer…

Pour imaginer cette coupe à champagne, Jane McAdam Freud s’est évidemment inspirée du fameux « bol-sein », dit aussi « jatte-téton », créé en 1787 par le peintre Jean-Jacques Lagrenée et le sculpteur Louis-Simon Boizot et fabriqué par la Manufacture de céramique de Sèvres. Imaginé pour une commande royale destinée à la Laiterie de Rambouillet, lieu d’agrément offert par Louis XVI à la reine Marie-Antoinette, la légende veut que ce bol émaillé en porcelaine reposant sur un trépied en biscuit orné de la tête et du sabot d’un bouc ait été moulé sur le sein gauche de Marie-Antoinette. Cette dernière, paraît-il, usait de l’insolite objet pour boire, non pas du champagne, mais du lait, symbole de fécondité.

« J’ai été enthousiasmée de participer à ce projet », a déclaré Kate Moss, ajoutant en toute simplicité : « Quel honneur de [me] retrouver aux côtés de Marie-Antoinette, elle était un personnage malicieux et très fascinant. » Tout un « sein-bol » !

À SAVOIR

Ouvert en novembre 2011 et amateur de bons « coups » artistiques, le restaurant 34, à Londres, dispose, en outre, d’un salon privé, The Emin Room, truffé d’œuvres de la détonante artiste britannique Tracey Emin.

À VOIR

En résidence à la Manufacture de céramique de Sèvres, le designer Antoine Boudin y a dessiné, en 2011, un service à thé et à café baptisé Sen, vocable provençal qui désigne à la fois la partie gonflée de la voile d’un bateau et… un sein. Son bol à thé réinterprète d’ailleurs le fameux bol-sein signé, au XVIIIe siècle, par Jean-Jacques Lagrenée et Louis-Simon Boizot.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : Esprit sein

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