L’artiste finlandaise questionne les conventions du langage cinématographique tout en défiant ses perspectives habituelles.
NÎMES - Forte tête de la scène vidéo, Eija-Liisa Ahtila a mis à mal l’écran et le récit avec une contribution remarquée au renouvellement des dispositifs d’installation. L’artiste finlandaise a montré dans les plus grands musées ses œuvres qui tiennent du filmique, du théâtral, du conte, du poème visuel. Elles mettent en scène souvent des personnages féminins, dans des contextes identifiables comme nordiques voire explicitement finlandais, pris entre un monde intérieur sensible et hanté, au bord de l’irrationnel, et un rapport méditatif au monde, qu’il soit naturel, incarné dans les paysages et la présence récurrente d’animaux, ou qu’il soit considéré dans sa dimension géopolitique. Eija-Liisa Ahtila situe clairement l’enjeu de son travail du côté du rapport à l’autre et à la complexité de celui-ci : ses pièces visitent des cercles de connaissance et des univers ou familiarité et étrangeté cohabitent, à chaque fois selon des dispositifs d’exposition différents. éclatant l’écran en deux, en trois, en six, comme la structure narrative des films, elle conduit le visiteur à une attention aiguë aux situations mentales, y compris la sienne propre.
Avec « Mondes Parallèles », le Carré d’art à Nîmes offre un parcours d’une vingtaine d’œuvres dont sept installations vidéo, un ensemble de dessins au pastel (série Anthromorphic Exercises on Film) et quatre de ses très spéciales maquettes d’architecture. Sélectionnée au sein d’une rétrospective montrée au Moderna Museet à Stockholm, l’exposition en tant que telle ne surprendra pas beaucoup ceux qui sont déjà familiers de son œuvre. Talo (La Maison, 2002) avec cette femme seule dans une maison inquiétante, que le dispositif de projection évoque pour le visiteur, est déjà un classique. La grande installation Missä on missä ? (Où est où ? 2008) croise avec une force certaine l’allégorie et le documentaire, le trouble spirituel et la violence des hommes, avec une référence filmique explicite à la violence coloniale. Le travail du son contribue à sa force environnementale, comme la présence de l’actrice finlandaise Kati Outinen. Mais l’on a pu les voir à Paris en 2008, au Jeu de paume. Deux œuvres récentes cependant s’imposent. L’Annonciation (2010, triple projection) a certes des moments de grâce comme son ouverture, mais reste très parlée pour ne pas dire bavarde. En revanche, avec la simplicité des grandes choses, Vaakasuora (Horizontal, 2011) en présentant six prises de vue qui découpent en « étages » un grand épicéa, basculés de sorte que l’arbre bien vivant apparaît couché dans sa monumentalité. Une pièce maîtresse.
Jusqu’au 6 janvier 2013, Carré d’Art-Musée d’art contemporain, Place de la Maison Carrée, 30 000 Nîmes, tel. 04 66 76 35 70, mardi-dimanche 10h-18h. Catalogue collectif, coéd. Carré d’art-éditions Steidl, 200 p., 32,50 €
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Entre terre et songe, les écrans d’Eija-Liisa Ahtila
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissariat : Lena Essling, Moderna Museet, Stockholm et Jean-Marc Prévost, Carré d’Art-Musée d’art contemporain, Nîmes
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Entre terre et songe, les écrans d’Eija-Liisa Ahtila