C’était devenu une sorte de serpent de mer, un monstre du Loch Ness dont on parle le soir à la veillée sans jamais en voir ne serait-ce que la queue.
Dès l’évocation du projet de la Cité de la musique au parc de la Villette, voici un quart de siècle déjà, le constat qu’il manquait à Paris une grande salle philharmonique nourrissait les conversations. Lorsqu’en 1984 Christian de Portzamparc remporte le concours portant sur le Conservatoire et la Cité, on imagine que, dans la foulée, il édifiera la fameuse salle. Au long des quelque dix ans de construction, le serpent de mer réapparaît périodiquement et replonge immédiatement dans les eaux sombres de l’oubli. Et puis voilà que soudain les choses s’accélèrent. En novembre 2006, concours est lancé qui suscitera quatre-vingt-dix-huit candidatures parmi lesquelles six seulement seront retenues dès janvier 2007 : les Français Jean Nouvel, Christian de Portzamparc et Francis Soler, l’Anglo-Irakienne Zaha Hadid, l’Autrichien Coop Himmelblau et le Hollandais MVRDV. Belle affiche, séduisante et très tendance.
Vaisseau audacieux
À peine trois mois plus tard, en avril, le jury se réunit et fait promptement état de son choix : le lauréat du concours est Jean Nouvel, lequel, tout juste après avoir inauguré le Musée du quai Branly, à Paris, et remporté le Louvre-Abou Dhabi, fait figure de maillot jaune dans le Tour de France de l’architecture.
Sur les six projets en lice, deux se sont, en quelque sorte, éliminés d’eux-mêmes : Coop Himmelblau et MVRDV. Celui de Christian de Portzamparc, en tout point remarquable, s’inscrivait trop dans la continuité d’écriture de sa Cité de la musique, alors que l’État comme la Ville souhaitaient donner à la Philharmonie une identité singulière, autonome. Le projet Soler, que l’on pourrait lire comme un hommage à Richard Buckminster Fuller, emportait l’adhésion des architectes présents (mais minoritaires) au jury. Celui de Zaha Hadid, magnifique et puissante masse noire, probablement son meilleur depuis longtemps, a, sans doute, effrayé par tant de noirceur et de densité.
Ce fut donc Nouvel dont la salle enveloppante, « évocatrice de nappes immatérielles de musique et de lumière [qui] suspend les auditeurs-spectateurs dans l’espace », a enthousiasmé les gens de musique.
Magnifique et somptueuse salle de 2 400 places, parmi lesquelles 200, situées à l’arrière de la scène, peuvent accueillir soit des chœurs, soit des spectateurs (comme à Pleyel, récemment réhabilitée par François Ceria sous l’égide de la Cité de la musique). Et dont la scène, profonde de 23,50 m, offre une ouverture de 19 m. De quoi célébrer l’« amour de la musique » selon Nouvel qui prend le mot philharmonie au pied de la lettre.
A cette salle s’en ajoutent six autres, de répétition, dont l’une peut accueillir 200 spectateurs et une autre 150. Et encore, des espaces (1 750 m2) d’éducation musicale, ateliers pour jeunes mélomanes, salles de cours et de pratique musicale ; une bibliothèque ; des espaces d’exposition temporaire (900 m2) composés d’une grande salle, d’une salle d’actualité et d’une salle de diffusion sonore ; un restaurant et des boutiques ; un parc de stationnement de 600 places ; et naturellement, des locaux administratifs, techniques, d’accueil.
Au total, 20 000 m2 dont la livraison est prévue à l’automne 2012, pour un budget de 200 millions d’euros (45 % État, 45 % Ville de Paris, 10 % Région Île-de-France).
Ancrée le long du boulevard Serrurier, colline dominant le parc de la Villette, masse métallique puissante, mise en lumière la nuit comme un fanal par Yann Kersalé – vieux complice de Nouvel –, la future Philharmonie de Paris s’affiche comme un « vaisseau multiforme » selon l’ancien ministre Donnedieu de Vabres, comme « une architecture audacieuse » selon Bertrand Delanoë.
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En avant la musique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°265 du 21 septembre 2007, avec le titre suivant : En avant la musique