La génération qui l’exerce aujourd’hui est différente de celles qui l’ont précédée. Car le métier s’est complètement transformé et adapté au tarissement des commandes de la presse. La presse n’est plus le cœur du métier, ce n’est qu’une partie. Elle n’achète pas assez cher un reportage pour couvrir les frais qu’il implique. Un photographe qui ne vend qu’à la presse n’en vit pas. Ceux qui en vivent ont su s’adapter à la nouvelle économie régissant désormais la profession. Le travail au long cours de Tommaso Protti sur la déforestation au Brésil se développe au fur et à mesure des commandes des journaux, des prix ou aides à la production obtenus comme celle du prix Carmignac en 2019, ou encore des expositions organisées qui lui permettent de repartir sur le terrain et d’élargir, enrichir ainsi ses investigations.
Je ne sais pas. Les photojournalistes que je rencontre se définissent comme photographes. Quoi qu’il en soit, le terme est encore souvent assimilé à la photographie de news, bien que le photojournalisme se soit diversifié dans ses écritures et approches de l’actualité, mais aussi dans ses supports de diffusion. Un reportage peut désormais se retrouver aussi bien dans un magazine que sur Instagram, un site Internet ou dans un musée. Il peut se décliner également en livre ou en film documentaire. Les projets sont devenus plus polymorphes, multimédias et transdisciplinaires. Leurs auteurs s’associent de plus en plus à des historiens, sociologues ou autres scientifiques dans leurs recherches et restitutions de leur travail. Samuel Gratacap, qui a beaucoup travaillé sur la Libye, est aujourd’hui à la Villa Médicis, lieu de résidence jusque-là réservé aux artistes. La crise sanitaire mondiale a vu, de son côté, le lauréat de la 11e édition du prix Carmignac, Finbarr O’Reilly, s’appuyer sur un réseau de photographes et de journalistes locaux pour témoigner de la situation en République démocratique du Congo, une collaboration qui a donné naissance au reportage collaboratif « Congo in conversation », accessible en ligne (congoinconversation.fondationcarmignac.com).
C’est toute la question que pose l’exposition actuellement en cours à la Villa Carmignac, regroupant les différents travaux issus des lauréats du prix Carmignac depuis sa création en 2009. Peut-on faire du beau, à partir d’une situation de conflit, d’oppression ou d’exploitation minière, forestière ou maritime faisant fi de la biodiversité et de l’humain ? L’image est là parce qu’elle témoigne d’une réalité et que son statut est à définir – art, journalisme ou les deux ?
Le photographe canado-britannique Finbarr O’Reilly (1971) est le lauréat de la 11e édition du prix Carmignac consacrée à la République démocratique du Congo. Ses photos sont visibles dans l’expo « Prix Carmignac du photojournalisme. 10 ans de reportage », jusqu’au 1er novembre 2020, à la Villa Carmignac, à Porquerolles.
50 000 €C’est le montant, hors édition du livreet exposition, du prix Carmignac du photojournalisme dévolu au lauréat pour l’aider à la production d’un reportage d’investigation sur les violations des droits de l’homme.
« L’obligation, à hauteur de 50 %, de travaux publiés dans la presse, est un obstacle pour le photographe qui veut obtenir la carte de presse. » Lionel Charrier, directeur de la photographie de Libération.
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Émeric Glayse : Peut-on faire du beau à partir d’une situation de conflit ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Émeric Glayse : Peut-on faire du beau à partir d’une situation de conflit ?