Le tabouret bas est un petit meuble anodin auquel l’utilisateur ne porte généralement qu’une attention réduite, voire insignifiante. Sauf lorsque, à cause d’un faux mouvement, celui-ci se retrouve les quatre fers en l’air, la fesse endolorie.
Celui qu’ont dessiné, cette année, les designers anglais Edward Barber et Jay Osgerby pour la firme allemande Classicon n’est ni banal, moins encore périlleux. Baptisé Saturne, ses trois pieds, qui soutiennent une assise triangulaire, sont constitués de trois anneaux en bouleau cintré. Ces pieds sont évasés et légèrement inclinés vers l’extérieur, ce qui permet d’éviter tout déséquilibre intempestif. Sauf en cas de violent tangage, le basculement est donc impossible. L’astuce paraît des plus simples, encore fallait-il y penser.
Depuis quelques années, Edward Barber et Jay Osgerby nous ont habitués à des objets très silencieux, presque insignifiants et pourtant subtilement pensés. On se souvient notamment de leur premier meuble, exhibé en 1998 à Milan : une table basse comme un anneau de bois oblong et courbé, juste décollé du sol grâce à un judicieux encastrement des pieds. La table Loop, c’est son nom, fit alors un tabac et les lança sur la scène internationale. L’an passé, pour l’éditeur de luminaire transalpin Flos, ils ont conçu l’élégante et amusante lampe de bureau Tab, tout en aluminium sauf le réflecteur, orientable, fabriqué avec une céramique de haute technologie. On dirait un frêle oiseau en équilibre sur un pied. Beaucoup plus massive, la table en marbre Bottle (Cappellini), elle, se compose de deux éléments antinomiques : un mince plateau et un imposant pied en forme de bouteille surdimensionnée. On pourrait croire l’objet difficile à déplacer. Il n’en est rien : le plateau peut être soulevé par deux personnes, et le pied roule... En clair : sobriété n’empêche pas fonctionnalité.
Edward Barber est né en 1969 à Shrewsbury, au nord-ouest de Birmingham. Jay Osgerby, lui, a vu le jour la même année mais à Oxford. Les deux joyeux lurons se sont rencontrés au fameux Royal College of Art, à Londres, où ils ont étudié de concert. Puis, à leur sortie, en 1996, ils ont accolé leurs deux noms et fondé l’agence BarberOsgerby (www.barberosgerby.com). Ils œuvrent tous azimuts, dessinant, par exemple, à la demande du fabricant anglais Isokon, un banc destiné à… la cathédrale Saint-Thomas de Portsmouth. Ledit banc, fabriqué en chêne et baptisé Portsmouth, est à la fois assez solide pour accueillir trois postérieurs – bénis ou pas... – et suffisamment léger pour être déplacé par une personne seule. Un exploit, appelé à durer « cent ans », selon les intéressés, dont la philosophie n’est autre que de créer des produits « Timeless », autrement dit « intemporels ».
En 2004, Barber et Osgerby ont décroché le « Jerwood Applied Arts Prize for Furniture », prestigieuse récompense britannique dans le domaine du mobilier. À la clé, commande leur a été passée pour imaginer une nouvelle chaise destinée aux espaces publics du Pavillon De La Warr, chef-d’œuvre moderniste construit en 1935, à Bexhill-on-Sea, dans le Sussex, par les architectes Erich Mendelsohn et Serge Chermayeff. Le duo eut fort à faire, le précédent mobilier étant signé du designer finlandais Alvar Aalto. Pas timides pour un penny, Barber et Osgerby s’inspirent des garde-corps qui filent le long de ce bel édifice pour dessiner le piétement du siège. La chaise De La Warr Pavilion, en fonte d’aluminium, est aujourd’hui également disponible dans le commerce, éditée par la jeune entreprise anglaise Established & Sons.
Sans doute pour les remercier de porter haut les couleurs de la « perfide Albion », Edward Barber et Jay Osgerby ont été faits, fin 2007, « Royal Designer for Industry » [Designer royal pour l’industrie]. Comme quoi, sa Majesté est décidément reconnaissante envers ses sujets.
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Edward Barber et Jay Osgerby
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°286 du 5 septembre 2008, avec le titre suivant : Edward Barber et Jay Osgerby