Internet - Dans le Musée imaginaire, André Malraux voyait un espace mental, sans lieu physique, où l’on pourrait accéder à un vaste corpus d’œuvres d’art via leurs reproductions photographiques.
Selon Jean Vergès, historien de l’art et cofondateur avec l’agence Sisso et Syracuse Conseil d’UMA (Universal Museum of Art), nul doute que l’intellectuel et ancien ministre aurait vu dans Internet le lieu idoine où déployer un tel projet. Inauguré en décembre dernier, l’UMA, qui se présente comme « le premier musée virtuel », revendique d’ailleurs bien plus l’héritage de Malraux que du Google Art Project. L’ambition de ce nouveau venu dans le paysage muséal : réaliser le vieux rêve de « réunir toutes les cultures au même endroit », de l’aveu de Jean Vergès. Et, au passage, « faire consommer de l’art » et « proposer une approche simple, légère, divertissante », pour diffuser mondialement les œuvres des musées et structures partenaires de l’opération. « Qu’on habite à Calcutta ou Tombouctou, l’UMA est accessible partout », souligne son cofondateur. Une aubaine pour des institutions artistiques qui peinent à étoffer leur présence en ligne et pourraient bien trouver dans le « prêt » d’œuvres à cet espace virtuel un levier pour faire rayonner leur image et conquérir de nouveaux publics, à l’international notamment. « Ce qui intimide dans le fait de visiter un musée, c’est le bâtiment, c’est la démarche elle-même, qualifiée d’élitiste, note Jean Vergès. Sur Internet, le cadre change, l’accès est immédiat, on peut visiter le site depuis son lit, au réveil. » De fait, en quelques clics, l’UMA permet de parcourir gratuitement divers espaces de monstration, exactement comme dans un musée « classique » – à cette différence près qu’ici, ce sont les œuvres qui dictent l’architecture. Aussi immatériel soit-il, l’espace respecte les conventions muséographiques : chaque nouvelle exposition temporaire sollicite l’expertise d’un commissaire associé, s’appuie sur les prêts de diverses institutions, et donne lieu à la rédaction de cartels détaillés et didactiques. Ne manque pas même la boutique : en proposant à la vente ouvrages et produits dérivés, cette offre marchande participe à l’économie du projet. « Nous avons choisi de reprendre les codes traditionnels du musée car il y a suffisamment d’obstacles à l’adoption de notre offre pour ne pas l’accompagner d’une disruption de la scénographie », se justifie Jean Vergès. Après une exposition inaugurale dédiée aux mythes fondateurs et destinée à poser d’emblée l’universalité du projet, l’UMA inaugure à l’occasion d’Urban Art Fair un parcours d’art urbain, « A Walk into Street Art », avec pour commissaire Yannick Boesso, directeur de la foire. Mondial, « populaire », attentif à sa circulation en ligne, le phénomène artistique ne pouvait en effet que servir les ambitions d’un musée hésitant, d’après son fondateur, « entre le white cube et Disneyland ». Et réciproquement : selon Jean Vergès, l’espace virtuel offre un cadre idéal où présenter un art caractérisé par sa contextualité. Délesté des contraintes spatiales qui dictent d’ordinaire les choix scénographiques, « A Walk into Street Art » fait dialoguer dans un espace « à ciel ouvert », sorte de ville globale générique, des œuvres in situ de Banksy, Keith Haring, Invader ou JR. Là est sans doute l’apport le plus spécifique de l’UMA : mettre en regard des œuvres impossibles à réunir physiquement, mais éclairées de manière inédite par leur confrontation en ligne
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Du musée imaginaire au musée virtuel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : Du musée imaginaire au musée virtuel