Jérôme Delormas est formidable. Lors de la conférence de presse annonçant la réouverture, le 2 mars à Paris, de la Gaîté-Lyrique en lieu de création et de diffusion des arts numériques, dont il assure la direction (lire le JdA no 338, 7 janv. 2011), il a défini les grands axes de son action et présenté le programme des mois à venir, tout en s’offrant le luxe de vanter les mérites et faire la promotion de son voisin et futur partenaire, le Musée des arts et métiers… Il est vrai que le musée en question est une petite merveille dépendant du Centre national des arts et métiers, créé en 1794 à l’initiative de l’abbé Grégoire et installé en 1798 dans l’ancien prieuré royal de Saint-Martin-des-Champs. Musée réaménagé par Léon Vaudoyer sous le Second Empire au moment même où Alphonse Cusin mène le chantier du théâtre de la Gaîté-Lyrique. Histoire mouvementée que celle de ce théâtre. En 1792, le théâtre des Grands-Danseurs du Roi qui borde le boulevard du Temple est rebaptisé en « théâtre de la Gaîté ». Soixante-neuf ans plus tard, en 1861, il est détruit lors du percement, par Haussmann, du boulevard Voltaire. Mais l’Empereur veut que Paris s’amuse et un nouveau théâtre est immédiatement mis en chantier. Consacré à un art lyrique léger, celui de l’opérette, il ouvrira ses portes dès 1862. En 1872, Jacques Offenbach en prend la direction et y enchaîne succès sur succès. Même si les Ballets Russes s’y produisent en 1918, la Gaîté-Lyrique demeure le temple de l’opérette et de la chansonnette avec, dans ses dernières années de gloire, la participation active de Luis Mariano, de Georges Guétary ou des Compagnons de la chanson… En 1963, la Gaîté-Lyrique est à bout de souffle et s’endort. Réveillée en 1974 par Silvia Monfort et son Carré, ainsi que par une première école du cirque, elle s’endort à nouveau. En 1989, Jean Chalopin y ouvre « La Planète magique », une sorte de parc d’attractions urbain qui saccage le bâtiment, détruit la grande salle de 1 500 places et la fosse d’orchestre pour 40 musiciens. Un désastre patrimonial suivi d’un désastre financier. La Gaîté-Lyrique ferme ses portes, inerte et désaffectée. Dans le quartier, on la surnomme « la tristesse muette »…
Et puis, la Mairie de Paris, sous l’impulsion de Bertrand Delanoë et de Christophe Girard, adjoint chargé de la culture, décide de réveiller la belle endormie et d’en consacrer les 9 500 mètres carrés à la culture numérique. Un concours sur invitation portant sur la réhabilitation et la reconversion du lieu est organisé, en juillet 2006, concours qui confronte les équipes de Manuelle Gautrand, Jakob & MacFarlane et François Scali. C’est Manuelle Gautrand qui l’emporte. « Face à ce lieu totalement défiguré puis oublié, accumulation improbable de vide et de silence, trou noir au milieu de la cité, notre objectif a été de créer un lieu permissif qui assume l’aléatoire et l’inattendu, un lieu qui définisse sans tout prédéfinir, qui permette une rencontre fusionnelle et non cloisonnée entre les cultures numériques et la musique actuelle, et qui s’ouvre à de nouveaux principes de rencontre publics-artistes »,
résume l’architecte. Résultat, un bâtiment dont les fonctions et les usages s’emboîtent à la manière des poupées russes et qui regroupe une grande salle de 308 places assises (et 800 debout), un théâtre des médias de 110 places, une salle de conférence et de projection de 130 places, deux galeries d’exposition pour installations multimédias totalisant 800 m2… Et encore, une médiathèque, des studios image/son/robotique/électronique, des ateliers de répétition, des résidences d’artistes, un espace de jeux vidéo, un café, une librairie… Au total, un lieu d’une grande souplesse, conçu et réalisé pour pouvoir être modifié en fonction des évolutions technologiques à venir. Pour autant, l’histoire n’est pas oubliée. La façade, l’entrée et le grand foyer illuminé par quatre grands lustres permettant la diffusion de vidéo et de son ont été soigneusement restaurés. La Gaîté-Lyrique est bien devenue le laboratoire accompagnant les mutations numériques, les formes hybrides de la culture visuelle et musicale à l’ère des nouvelles technologies.
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Du lyrisme au numérique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Du lyrisme au numérique