Architecture

Droite comme la justice

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 21 novembre 2019 - 442 mots

Luxembourg -  La tour de bureaux que vient de livrer l’architecte français Dominique Perrault sur le plateau du Kirchberg, à Luxembourg-Ville, marque l’achèvement du vaste complexe immobilier que constitue la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

« C’est un ensemble de bâtiments qui forment un seul bâtiment », résume l’architecte. Après sa première visite in situ, en 1996 (année de l’appel à projets pour l’extension), puis sa désignation comme lauréat du concours international, Perrault couronne un chantier conséquent mené en deux phases, de 2002 à 2008 et de 2016 à 2019. À son entrée en lice, il doit composer avec l’existant. D’un côté, le palais historique, splendide Meccano d’acier signé Jean-Paul Conzemius (Luxembourg), François Jamagne et Michel Van der Elst (Belgique), planté, en 1973, tel un temple, sur une plate-forme de béton qui gommait la topographie pentue du terrain. De l’autre, sertis en contrebas comme des contreforts, trois bâtiments en granit rose construits entre 1978 et 1993 par le Luxembourgeois Paul Fritsch et l’Italien Bohdan Paczowski.Première phase donc : Perrault restaure le palais originel et lui adjoint un édifice en forme d’« anneau orthogonal » (« un anneau de Saturne », dixit l’architecte), qui accueille les bureaux des vingt-huit juges, ainsi qu’une salle des délibérés. Juché sur pilotis à dix mètres de hauteur et à une quinzaine de mètres dudit palais, « l’anneau », deux niveaux habillés de parois de verre et de brise-soleil, est accessible grâce à une batterie de passerelles et d’escaliers métalliques. En son cœur, le palais, lui, loge six salles d’audience, dont la principale, au sous-sol, est dotée d’un luxueux baldaquin en maille métallique dorée et baignée, en second jour, de lumière naturelle.Entre le duo « palais-anneau » et les constructions de granit rose, Perrault creuse, en outre, une grande galerie de liaison de 300 m éclairée zénithalement. Connectée au passage distribuant les édifices en granit, elle fait office de « colonne vertébrale » (longueur totale : 630 m) assurant l’unité architecturale et fonctionnelle de l’ensemble. Derniers éléments de cette première phase : deux gratte-ciel administratifs de 24 étages. La seconde phase de travaux signée Dominique Perrault consiste en cette troisième et ultime tour de bureaux, dont ceux des juristes-linguistes. Sa silhouette, dédoublée, se compose d’un volume étroit habillé d’une maille dorée ou opaque, et d’un second volume un brin plus épais en verre émaillé noir. Droite comme un i, elle est, avec ses 30 étages et ses 118 m de haut, le bâtiment le plus haut du Luxembourg.Déployé sur une parcelle de 7,5 ha, le complexe de la CJUE, dans sa globalité, représente pour Perrault « un “bâtiment-ville”, cette succession de projets qui s’emboîtent les uns dans les autres sans se contrarier [faisant] aujourd’hui apparaître un ensemble urbain, un quartier ».

À savoir
Née en 1952, la Cour de justice de l’Union européenne est la plus ancienne institution de l’UE. Pour la première fois, elle dispose de l’ensemble de son personnel sur un lieu unique d’une surface totale de 240 000 m2. Un travail complexe et de longue haleine durant lequel le projet architectural s’est développé au gré des besoins liés à l’élargissement de l’UE, laquelle est passée de 9 États membres (en 1973) à, pour l’heure, 28.
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Droite comme la justice

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