Dolce Riva

C’est le premier projet nautique abouti du designer australien qui, à 47 ans, est plus connu pour ses accointances avec l’air qu’avec l’eau. L’industrie aéronautique est, ces dernières années, son terrain de jeu favori et la pourvoyeuse de plus de la moitié des revenus de son agence – il est depuis 2006 le creative director de la compagnie aérienne australienne Qantas Airways .

Marc Newson flirte cette fois avec le théorème d’Archimède et les fameux chantiers navals italiens Riva, basés à Sarnico, sur le lac d’Iseo, non loin de Bergame. Son bateau, d’une longueur de 33 pieds (10,05 mètres), est une « réinterprétation » de l’Aquariva, produit depuis 2001, doublée de clins d’œil appuyés à un modèle mythique, l’Aquarama, icône glamour de la dolce vita italienne et de la French Riviera des années 1950 et 1960. « Lorsque j’ai fait mes premières esquisses, j’avais évidemment en tête les images de toutes ces stars du cinéma à bord d’un Riva, de Brigitte Bardot à Elizabeth Taylor, raconte Newson. Il n’y a pas beaucoup d’objets aussi réussis que ce bateau dans le monde. Pour un designer, c’est une référence, comme un stylo Bic ou une Ferrari. »

Sa version, baptisée en toute sobriété Aquariva by Marc Newson (sic), se révèle être un étrange cocktail entre une esthétique paisiblement rétro et des lignes fluides plus contemporaines. La carène – partie de la coque située en dessous de la ligne de flottaison – est donc identique à celle de l’Aquariva. Tout le reste est nouveau, y compris le moteur, plus puissant. Le designer a ainsi introduit des matériaux inhabituels dans l’industrie nautique, comme l’aluminium anodisé, plus léger que les classiques inox ou laiton chromé, dont il use pour différentes pièces d’accastillage. Idem avec cette matière insolite qui remplace le traditionnel acajou et qui habille pont et tableau de bord : « Il s’agit d’un matériau composite né au début du XXe siècle, un mélange de lin et de résine phénolique, explique Newson. C’est une matière très riche, car ses nuances varient en fonction de l’intensité de la lumière naturelle. »

Rétrofuturiste
Autres innovations : le pare-brise, désormais d’un seul tenant, est incrusté de poignées – pour se maintenir droit dans ses tongs en cas de secousse ; le « salon » est plus fonctionnel et le tableau de bord, avec ses compte-tours et boutons alignés au garde-à-vous, rationalisé. Mais la partie la plus étonnante reste l’arrière du bateau, entièrement revu par Newson. Étrange coïncidence, son profil ressemble à s’y méprendre à la silhouette du pare-chocs arrière d’une… DS 19, ce qui lui donne une singulière allure rétro-futuriste. Sans doute est-ce dû au fait que le designer est un passionné de voitures anciennes – son garage londonien accueille, entre autres, une Aston Martin et une Cisitalia.
Au final, cet Aquariva à la sauce Newson résulte d’un entre-deux, conservant, dans ces grandes lignes, l’esprit des emblématiques Riva, tout en se « modernisant » un brin, façon chirurgie esthétique. Bref, un résultat mi-figue mi-raisin, qui ne l’empêche cependant pas de surfer sur la vague incontournable de la série limitée. L’objet sera, en effet, « tiré » à 22 exemplaires. Autre curiosité : ce n’est pas le fabricant transalpin qui s’occupe de sa commercialisation, mais… le galeriste new-yorkais Larry Gagosian. Son prix, non divulgué, oscillerait entre 1,3 et 1,5 million de dollars.
Le marché nautique tournant au ralenti depuis la crise économique de 2008, on ne sait, pour l’heure, si celui des collectionneurs suivra. Rappelons que le RAL 5015, bateau dessiné par l’artiste français Xavier Veilhan et mis aux enchères le 20 juillet par Artcurial (sur une estimation de 180 000-200 000 euros), à Monte-Carlo, n’a pas trouvé preneur.