Disparition

Disparition du peintre franco-russe Oscar Rabine

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 9 novembre 2018 - 521 mots

FLORENCE / ITALIE

L’une des dernières grandes figures de l’art non-officiel soviétique s’est éteinte mercredi à Florence à l’âge de 90 ans.

Oscar Rabine qui vivait à Paris depuis sa déchéance de la nationalité soviétique en 1978, se trouvait à Florence pour l’ouverture d’une exposition personnelle à l’Académie des arts, lorsqu’il est brusquement tombé malade, a indiqué à l’agence TASS le collectionneur Marc Ivasilevitch, qui est aussi son agent. 

Le destin de cet artiste figuratif à la palette sombre et torturée, dans la lignée de Chaïm Soutine et de Marc Chagall, est dominé par la répression dont il a fait l’objet dans sa patrie. « Je suis russe et je le reste, toute ma culture est russe, mon âme est russe et même quand je peins Paris, on voit la Russie dans mes toiles », confiait-il le 15 septembre dernier à l’occasion de sa dernière grande rétrospective à l’espace Diamant d’Ajaccio.  

Oscar Rabine naît à Moscou en 1928 dans une famille Juive. Orphelin à 13 ans, il part en 1946 étudier la peinture d’abord à Riga, puis à l’Institut Sourikov de Moscou en 1948, sous l’œil vigilant de Sergueï Guerassimov, pape du réalisme-socialiste. Rabine est exclu au bout d’un an pour « formalisme », blâme habituel pour qui ne respectait pas les canons esthétiques staliniens. Jusqu’à la fin des années 50, il travaille comme manutentionnaire ou ouvrier. C’est à cette époque qu’il vend ses premiers tableaux et qu’il fonde avec son épouse le groupe clandestin « Liazonovo », où le rejoignent plusieurs autres figures de l’art non-officiel (les poètes Guenrikh Sapgir et Igor Kholin ; le peintre Vladimir Nemoukhine entre autres). Leur esthétique est qualifiée de « post-avant gardiste » et d’expérimentale. 

L’événement-pivot de son existence se déroule le 15 septembre 1974 et est connu sous le nom d'« exposition Bulldozer ». Organisée par Oscar Rabine, il s’agit de la première exposition publique d’art non-conformiste, un art jusque-là confiné à des exposition semi-clandestines et confidentielles dans des appartements. Les œuvres d’une dizaine d’artistes sont exposées sur un terrain vague de la banlieue sud de Moscou. C’est la réponse du pouvoir qui donnera son nom à l’événement. La police chasse artistes et visiteurs, puis fait détruire les œuvres au bulldozer et au canon à eau. Des agents du KGB mettent le feu aux toiles rescapées et arrêtent les artistes. Cette répression brutale et disproportionnée provoque un scandale international car plusieurs correspondants étrangers y assistent. Le nom d’Oscar Rabine fait le tour du monde. Trois ans plus tard, il est contraint d’émigrer et s’installe l’année suivante à Paris, où il continue à peindre jusqu’à sa mort dans un atelier non loin du Centre Pompidou offert par la Mairie de Paris. 

Les œuvres d’Oscar Rabine ont trouvé leur place dans de nombreux musées : Galerie Tretiakov, Musée russe de Saint-Pétersbourg, Musée Maillol, Centre Georges Pompidou, Art Foundation Kolodzei aux États-Unis, et dans des collections privées. 

La prodigalité de son pinceau fait que ses tableaux sont abondants sur le marché. Les prix démarrent généralement autour de 30 000 euros et ont atteint un record de 250 000 euros pour sa toile Violon au cimetière à Londres en 2006.

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