Le Centre Pompidou offre un vaste retour sur l’œuvre d’Annette Messager.
PARIS - L’exposition s’ouvre sur une spectaculaire installation : dans le hall du Centre Pompidou, des morceaux de corps humain, en Skaï rembourré et enfermés dans des filets, s’abattent depuis le plafond jusqu’au sol du niveau inférieur du musée (La Ballade de Pinocchio à Beaubourg, 2007).
Le ton est donné. La rétrospective consacrée à Annette Messager, née en 1943, retrace son parcours non pas chronologiquement, mais selon les affinités plastiques et intellectuelles de ses œuvres. Au seuil de l’exposition, La Ballade des Pendus (2002) est une installation composée d’animaux en tissu, accrochés à un rail au plafond, qui tournent mécaniquement au-dessus de la tête des visiteurs. À travers les fentes des cimaises de La Chambre secrète de la collectionneuse, Les Albums-collections (1972-1975), petits cahiers posés au sol, décrivent méthodiquement, presque obsessionnellement, les rêveries d’une femme qui s’oblige à une soumission totale aux hommes.
Dans la série Les Approches (1972), l’artiste confie, sous des photographies de braguettes d’hommes qui l’attirent, sa résignation paradoxale à l’idée de sortir avec eux. Dans ce mélange entre photographie et écriture qui caractérise les œuvres des années 1970, la dimension intimiste est ce qui séduit le plus. Le langage y occupe déjà une place importante. Les mots « trouble », « solitude », « doutes », « remords », « jalousie » et « affection » reviendront de manière récurrente dans Mes Ouvrages (1988-1991) et Histoire des robes (1990).
À partir des années 1980, Annette Messager passe de l’objet à l’installation. Ses œuvres se théâtralisent. Elle y introduit le mouvement, avec les pantins mécaniques en tissu d’Articulés-désarticulés (2001-2002), et des éléments nouveaux comme des peluches – dans Mes petites effigies (1988). Avec Dépendance-Indépendance (1995-1996), l’artiste réalise une œuvre imposante qui combine des matériaux pauvres (carton, plastique) avec de la laine, du nylon, des animaux naturalisés, du dessin et de la photographie. Au-delà du côté spectaculaire de Casino, conçu par la Biennale de Venise 2005, c’est toujours vers les mots que l’on revient, avec l’impression d’entendre, en creux dans l’exposition, les bribes d’un dialogue chuchoté, une confidence de l’artiste. Dans Les Lignes de la main, 1988-1990, les mots « solitude », « crainte », « menace », « hésitation » en disent long sur l’angoisse et les doutes de l’artiste. Un sentiment de mélancolie émane aussi parfois de l’exposition « Les Messagers ». Celle-ci se clôt sur l’installation Ma collection de proverbes, 1974, pour laquelle l’artiste a brodé tout un lot de dictons populaires misogynes. « Je crois que c’est lorsque l’on est le plus personnel que l’on communique le mieux avec les autres », confie Annette Messager. À cette recherche d’identité, l’exposition rend un bel hommage.
Jusqu’au 17 septembre, Centre Pompidou, 19, rue Beaubourg, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompi dou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h. Catalogue, coédition Centre Pompidou/Xavier Barral, 608 p., 44,90 euros, ISBN 978-2-91517-323-9.
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De l’intime et des mots
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire de l’exposition : Sophie Duplaix, conservatrice au Musée national d’art moderne, service des collections contemporaines - Scénographe : Jasmin Oezcebi - Nombre de pièces : 60
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°262 du 22 juin 2007, avec le titre suivant : De l’intime et des mots