Le Triennale Design Museum présente un panorama du graphisme transalpin de l’après-guerre à nos jours.
MILAN - Une fois n’est pas coutume, ce ne sont pas les meubles et les objets qui sont à l’honneur, mais le graphisme. Pour sa nouvelle exposition annuelle – la 5e depuis son ouverture, le 6 décembre 2007 (lire le JdA no 272, 4 janv. 2008) –, le Triennale Design Museum, à Milan, délaisse en effet la 3D pour se concentrer sur la création en deux dimensions et dresse un panorama du graphisme italien au XXe siècle des plus importants, totalisant environ 1 300 pièces. L’opus s’intitule « Grafica italiana » [« Graphisme italien »] – le vocable « graphisme » devant être pris au sens le plus large du terme : art graphique, communication visuelle, publicité… – et se compose de neuf chapitres : Lettres, Livres, Revues, Culture et Politique, Publicité, Packaging, Identité visuelle, Signalisation, Films et Vidéos. La scénographie, due au designer milanais Fabio Novembre, se révèle un brin basique : neuf sections égales à neuf couleurs, de l’infrarouge à l’ultra-violet, composant une sorte d’arc-en-ciel dont la lisibilité laisse parfois à désirer, ainsi de la section jaune avec ses cartels imprimés en lettres blanches. On trouvera néanmoins quelques excuses à Fabio Novembre, ce dernier ayant dû remplacer au pied levé le maestro Enzo Mari, contraint d’abandonner la partie pour des raisons de santé.
Matérialité du signe
La bonne idée est que l’exposition ne se concentre pas uniquement sur l’affiche proprement dite, mais déploie un grand nombre de registres, des lettres imprimées aux marques, des magazines aux plaquettes, des brochures aux encyclopédies, des livres d’école aux panneaux de signalisation urbaine, des étiquettes au graphisme vidéo. « Plutôt que de regarder les travaux des graphistes italiens comme un reflet de la culture ou de la société italienne, le but est d’aider le public à comprendre quel rôle les artistes-graphistes italiens ont joué dans l’histoire du pays et comment ils ont contribué à former son climat économique, social et culturel », souligne Silvana Annicchiarico, directrice du Triennale Design Museum.
On trouve, dans cette présentation d’ampleur, de multiples pépites. À commencer par des maquettes originales du subtil designer Bruno Munari, collages pour des couvertures de livres dont la force visuelle laisse pantois (Light Everyone on Yo, aux éditions David P. Ehrlich Co., Boston ; Le Journal d’Anne Frank, publié par Einaudi…), ou compositions dont la rigueur – choix restreint de couleurs, typographie du titre, photographie grand format… – et la puissance fascinent, comme pour cette couverture de l’hebdomadaire politique Epoca. Idem avec cette monographie de l’artiste futuriste Fortunato Depero, intitulée Depero Futurista (éd. Dinamo Azari, 1927), ou ces dessins de l’architecte Carlo Scarpa, qui révèlent son intérêt inattendu pour la matérialité du signe alphabétique.
Appel aux poètes
Le parcours, on ne peut plus didactique, se focalise surtout sur la période de l’après-Seconde Guerre mondiale jusqu’à nos jours, et décortique tout le spectre du graphisme. Celui-ci permet est un outil au service non seulement de la culture, mais aussi de la politique ou de l’engagement citoyen. Il fournit en outre des systèmes de signes pour organiser l’environnement urbain et y guider les usagers. Enfin, s’il sert à faire connaître les produits et à les vendre – la publicité –, il façonne le « visage » des entreprises qui les produisent, autrement dit, il leur fabrique une image particulière et surtout personnelle, une identité visuelle. Que l’aura de certaines d’entre elles y soit plus grande qu’en France, par exemple, n’est pas un hasard, car les firmes italiennes ont su, mieux que d’autres, faire appel à différentes sources d’inspiration. Ainsi la société Olivetti s’est-elle jadis « offert » les services d’écrivains aujourd’hui reconnus, tels Paolo Volponi ou Franco Fortini. Chez Pirelli, le responsable de la communication n’était autre que le poète Vittorio Sereni. De la première, on peut voir différentes déclinaisons d’affiches vantant la célèbre machine à écrire Valentine dessinée par le designer Ettore Sottsass. De la seconde, les jeux graphiques abstraits du peintre Giovanni Pintori.
Au fil du propos, le visiteur se rend peu à peu compte à quel point le graphisme constitue un chapitre fondamental de l’histoire du design transalpin, tant il se révèle au centre de sa culture visuelle. Est d’ailleurs exposé, sous forme d’humour et de clin d’œil ironique, L’Habit du designer, conçu, il y a une dizaine d’années, par Alessandro Mendini pour la firme Etro : un costume trois-pièces de couleur sombre et truffé de marques, comme la tenue d’un pilote de Formule 1. Preuve de l’incroyable impact des logos.
Jusqu’au 24 février 2013, Triennale Design Museum, viale Alemagna, 6, Milan, tél. 39 02 72 43 41, tlj sauf lundi 10h30-20h30, jeudi-vendredi jusqu’à 23h, www.triennaledesignmuseum.it
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De l’école à l’entreprise, la chaîne graphique
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires scientifiques : Giorgio Camuffo, professeur de communication visuelle à l’Université libre de Bolzano (Italie) ; Mario Piazza, directeur de la revue Abitare ; Carlo Vinti, historien du graphisme et de la communication visuelle
- Scénographie : Fabio Novembre
- Graphisme : Leftloft
- Design sonore : Saturnino, Sound Identity
- Nombre de pièces : environ 1 300
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°375 du 21 septembre 2012, avec le titre suivant : De l’école à l’entreprise, la chaîne graphique