Photographie

De Bamako à Bruxelles

Par Christophe Domino · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 673 mots

La Centrale électrique, nouveau lieu de la capitale belge, offre une sélection d’œuvres des Rencontres maliennes.

 BRUXELLES - Ouvert depuis le mois de juin 2006, La Centrale électrique est un nouveau lieu consacré à l’art contemporain situé en plein centre-ville de Bruxelles, en face de la cathédrale Sainte-Catherine. Site industriel (première centrale électrique de la ville) réaffecté, l’institution possède de belles hauteurs de plafond et un plan en enfilade sur 1 000 m2. Celui-ci définit des espaces différenciés, avec cependant un volume principal d’un seul tenant, qui comprend salle de réunion et black box de projection. Financée et gérée par la Ville de Bruxelles, la Centrale est vouée à exposer de l’art contemporain, dans un esprit d’ouverture et d’échange en particulier européens, et à travers une programmation exigeante tout en restant accessible à un public élargi. La direction artistique est assurée par Fabienne Dumont.

L’identité artistique de la photo en Afrique
Après « Zoo », inaugurant La Centrale électrique en juin 2006 et consacrée aux figures de l’animal dans l’art contemporain, « Another World, Bamako 2005 » est un prolongement, à un an de distance, de la dernière édition et sixième du nom des Rencontres africaines de la photographie à Bamako. Construite autour d’une sélection d’artistes parmi l’ensemble de manifestations proposées alors, l’exposition s’inscrit dans le programme itinérant que CulturesFrance et les Rencontres de Bamako développent, assurant à l’événement africain une visibilité élargie. Dans des formats adaptés aux lieux d’accueil, Bamako alimente en effet un calendrier de rendez-vous européens (à Arles, à Lille, à Paris à la Bibliothèque nationale de France, en Suisse, en Allemagne, en Espagne) et encore à Saint-Domingue et à Rio. Les Rencontres affirment ainsi leur ambition de donner forme à des réalités photographiques différentes, sur un principe de représentation très large, traçant de manière extensive son identité artistique.

L’affirmation du documentaire
À Bruxelles, Fabienne Dumont a repris l’axe thématique développé par le commissaire de la manifestation africaine, Simon Njami, autour de l’idée bien générale d’un « autre monde ». L’exposition suit la structure des Rencontres, sur une trame plus resserrée quantitativement : elle n’en construit pas moins une vision à plusieurs niveaux du champ photographique balayé. L’Afrique, comme sujet des images ou comme identité des photographes, y demeure le pôle central – et diffus. Ouverte aux regards des Africains du monde (du continent au sens largement entendu et de la diaspora) et sur le monde, elle débute sur une dimension historique avec un ensemble de travaux de photographes soudanais des années 1950 ou 1960 (dimension historique que les cartels, sans dates, manquent à rappeler cependant). Ceux-ci entretiennent par leur usage du noir et blanc un regard patrimonial (scènes de rue, personnages et portraits réunis sous les auspices d’El Nour, une association en faveur de la photo soudanaise) et retracent la fragile professionnalisation des photographes. La sélection internationale, réunissant une trentaine de photographes, souligne la diversité des regards, donnant à voir, cimaise après cimaise, des travaux aussi différents que ceux de Paul Kabre (Burkina Faso) sur les fous des rues, d’Abraham Onoriode Oghobase (Nigeria) ou de Malala Andrialavidrazana (Malgache installée à Paris) avec ses vues de cimetières du monde. Les tentations plasticiennes sont cependant moins convaincantes (Allan De Souza, Kenyan, ou Moataz Nasr, Cairote). Le rapport serré au sujet, voire l’attitude clairement documentaire, permet des attitudes photographiques plus déterminées. Parmi les ensembles monographiques qui complètent le parcours, se dessinent des démarches encore jeunes et fortes, telles celle très personnelle d’un Emeka Okereke (Nigérian qui poursuit aujourd’hui sa formation à Paris) ou celle du photojournaliste originaire de Johannesburg Guy Tillim.
L’ambition de La Centrale électrique d’explorer des champs artistiques accessibles à tous les publics se retrouve finalement assez bien dans ce « Bamako remix », qui condense un regard sur un espace de production d’images large et ouvert, en évitant une lecture réductrice ou homogène d’une africanité construite sur mesure.

Another World, Bamako 2005

Jusqu’au 11 mars, La Centrale électrique, centre européen d’art contemporain, 44, place Sainte-Catherine, Bruxelles, tél. 32 2 279 64 44, du mercredi au dimanche 11h-18h, jusqu’à 20h le jeudi.

Another World, Bamako 2005

- Commissaire de l’exposition : Fabienne Dumont, directrice de La Centrale électrique - Nombre d’artistes : 32, représentant 17 pays africains

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°251 du 19 janvier 2007, avec le titre suivant : De Bamako à Bruxelles

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