Deux expositions mettent en lumière l’ébouriffante inventivité de Simon Starling, dont les œuvres se créent dans des processus d’échange et de circulation
VITRY-SUR-SEINE - Les œuvres de Simon Starling ne sont jamais muettes. Mieux, elles aiment à conter des histoires à tiroirs qui en font parfois de véritables jeux de piste où itinéraires, circulations et va-et-vient induisent et produisent la concrétisation formelle.
À partir de 1928, Francis Bacon créa quelques pièces de mobilier, dont un bureau parti en Australie chez l’écrivain Patrick White et rapidement revendu…, à regret. En fut donc exécutée une copie d’après photo, au résultat peu convaincant. S’emparant de cette histoire, l’artiste britannique a fait réaliser en Allemagne une copie de ce meuble à partir d’une image conservée à la Bibliothèque nationale de Canberra. Une photographie de cette nouvelle création, envoyée à un ébéniste de Sydney, a donné lieu à une autre copie. Lequel a transmis une image de sa création à un confrère londonien qui l’a lui même reproduite. Les trois bureaux sont présentés ici (Three White Desks, 2008-2009), posés sur leurs caisses de transport, avec de telles différences dans les détails et les matériaux qu’il est fascinant de constater combien un même objet évolue à la faveur de la transmission. Surtout, Starling interroge joliment la mémoire des formes et des matières soumises à un mouvement constant dans une économie artistique mondialisée.
Ce que raconte la matière
Au Mac/Val (Musée d’art contemporain du Val-de-Marne), à Vitry-sur-Seine, et au Parc Saint-Léger, à Pougues-les-Eaux (Nièvre), l’artiste livre un projet d’exposition en deux volets qui fourmillent de délicieux récits, de liens inattendus réactivés, de nouveaux contextes élaborés à travers l’interrogation des problématiques de l’adaptation et de la réadaptation…
Ainsi cette Fiat 126 rouge partie de Turin, siège de la firme automobile, jusqu’à Cieszyn, en Pologne, où fut délocalisée sa production. À son retour, le véhicule, dont portières et capot avaient été remplacés par des pièces blanches, fut accroché au mur de la galerie Franco Noero (Turin), tel un drapeau… aux couleurs de la bannière polonaise (Flaga (1972-2000), 2002).
Ou encore cet échange de matériaux entre les deux éléments constitutifs de Work, Made-ready, Kunsthalle Bern (1997) : une chaise de Charles Eames est recréée avec l’aluminium d’un vélo et inversement, donnant ainsi lieu à un retournement malicieux de la notion même de ready-made.
Comme souvent chez l’artiste, est ici capitale la relation ente l’information et la matière ; cette dernière n’étant le plus souvent pas considérée pour ses seules qualités propres mais pour les propos et la mémoire qu’elle contient, dont l’exploitation permet un développement formel et sémantique inédit. À travers ces échanges, itinéraires et connexions, Starling revisite sans relâche les fondements mêmes de l’économie de la création.
SIMON STARLING. THEREHERETHENTHERE (ŒUVRES 1997-2009), jusqu’au 27 décembre, Mac/Val, place de la Libération, 94400 Vitry-sur-Seine, tél. 01 43 91 64 20, www.macval.fr, tlj sauf lundi 12h-19h. Jusqu’au 20 décembre, Parc Saint Léger-Centre d’art contemporain, avenue Conti, 58320 Pougues-les-Eaux, tél. 03 86 90 96 60, www.parcsaintleger.fr, tlj sauf lundi-mardi 14h-18h. Catalogue à paraître.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Circulation, création
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €SIMON STARLING
Commissaires : Frank Lamy au Mac/Val ; Sandra Patron au Parc Saint-Léger
Nombre d’œuvres : 9 au Mac/Val, 4 au Parc Saint-Léger
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : Circulation, création