Design

Chronique - Konstantin Grcic

Pole position

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2011 - 541 mots

PARIS

L’homme a pris l’habitude de bousculer les… habitudes. On se souvient du « choc » produit, il y a dix ans, par son siège Chaos (ClassiCon) à l’assise si étroite qu’elle révolutionnait la notion de s’asseoir. Idem, en 2004, avec sa chaise One (Magis) ajourée à l’extrême, dont les éléments s’assemblent telles les facettes d’un ballon de football.

Konstantin Grcic, 46 ans, récidive aujourd’hui avec le fauteuil club Avus, imaginé pour la firme transalpine Plank (1). Cette nouvelle énigme dans le paysage mobilier a été présentée en avril, au dernier Salon du meuble de Milan. À première vue, on ne peut être que désorienté par ledit objet. Son originalité : une coque rainurée sur sa face arrière, qui fait songer au fameux sac à dos Boblbee lancé en 1999 par le designer suédois Jonas Blanking et doté d’une coque rigide en plastique ABS.
On sait que Grcic, lui, lorgne depuis très longtemps du côté des industries du sport et nourrit, en particulier, une passion non dissimulée pour l’ automobile. Le designer allemand aime tout particulièrement la firme Lamborghini et son modèle préféré n’est autre que la Marzal V6, sortie en 1967. Il a même donné le nom de Miura – un modèle mythique de Lamborghini – à l’une de ses créations : un tabouret haut, édité par Plank. Pas étonnant donc qu’il ait voulu aller plus avant encore en faisant fusionner deux industries : l’automobile et le meuble. Ladite « fusion » est non seulement matérielle, mais également visuelle, d’où la légère désorientation que ressent l’observateur face à cet objet. D’un côté, le cuir, zippé sur l’assise façon bagagerie haut de gamme ; de l’autre, un plastique ABS, traité avec les technologies de pointe des industries automobile et sportive. D’un côté, une préciosité, un confort et une élégance quasi artisanaux ; de l’autre, la précision, la froideur et la robustesse d’un matériau synthétique. Bref, le mariage réussi de la carpe et du lapin.

Les bolides de compétition, encore eux, sont aussi à l’aune de la dernière création de Grcic : une série de six tables baptisée Champions et imaginées pour la galerie Kreo (2). « Je veux que les tables apparaissent comme des voitures de formule 1 alignées sur la grille de départ d’un circuit automobile», explique-t-il. En réalité, il parle ici des piétements en aluminium de ces tables, sur lesquels viennent reposer des plateaux en verre, circulaires ou rectangulaires. Au vu des couleurs flashy desdits piétements, on pense aussi à ces voitures aux carrosseries bariolées et logos publicitaires qui, outre-Atlantique, animent les courses de stock-car. Ici, le graphisme ne consiste pas en un transfert de sérigraphies, technique couramment utilisée dans le marquage des équipements sportifs, mais, plus raffiné, en l’application de multiples couches de laque, à l’instar des célèbres Art Cars peintes par Andy Warhol, Frank Stella ou Roy Lichtenstein que la firme BMW a commanditées, dans les années 1970, pour courir les 24 Heures du Mans. Résultat : une finition impeccable. Ces piétements criards ont, en outre, une vertu non négligeable : faire mentir ceux qui ne voient en Konstantin Grcic qu’un designer rigoriste et lisse. 

(1) Son prix est de 2 150 € HT.
(2) Jusqu’au 23 juillet, 31, rue Dauphine, 75006 Paris, tél. 01 53 10 23 00.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Chronique - Konstantin Grcic

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